L’amour et ses chagrins. Monica Sabolo traite de l’aveuglement qui fausse tous les jugements du début, annihile la lucidité, piétine l’intelligence, bâillonne le bon sens, elle traite des antécédents dont on ne se remet jamais, quand bien même on les croit oubliés, digérés, évacués, elle traite enfin de l’effondrement quand le nuage passe qui masque le soleil et met fin au dit aveuglement, laissant place à une réalité d’autant plus décevante que l’histoire n’a pas tant été vécue à deux qu’à un + un imaginaire fantasmé (la brusque décomposition de ce qui se révèle n’avoir jamais existé, dirait-on).
Ici, « MS » et « XX », son collègue de travail.
Ce faisant, Monica Sabolo réinvente le roman dans sa forme. Les images qui émaillent le texte, la progression de l’intrigue via des échanges de mails, de SMS, des missives semées aux quatre vents, etc. amènent une légèreté apparente qui s’avère nécessaire. Car ce roman, qui interroge les chaînes qui nous empêchent d’avancer, de nous abandonner, d’aimer, de construire, est d’une infinie tristesse. Car les lettres que la narratrice envoie sont particulièrement drôles, tandis que ce qu’elles laissent transparaître de solitude est déchirant.
MS et XX, ce sont la narratrice et son collègue de travail mais tant d’autres gens aussi.
Et cette histoire, c’est celle de tant d’âmes solitaires qui, tellement absorbées par le travail, premier lieu de formation des couples, ne peuvent se risquer à une confrontation qui peut-être les mettrait en risque et lui préfèrent la cordialité, comme si se serrer fort dans les bras ou passer une nuit entre les mêmes draps pouvait vraiment ne rien signifier ; cette histoire, c’est celle de tant d’âmes qui, tellement habituées à être multi connectées en permanence, ne sont plus aptes à vivre une réalité de l’amour qui requiert du temps, de l’écoute sans oreillette (ni boules Quiès), une disponibilité sans a priori et de la tendresse, de la douceur, de la bienveillance.
Il y a deux livres dans Tout cela n’a rien à voir avec moi. Celui que l’on lit en tournant les pages, drôles, pleines d’esprit et de sensibilité, de silences et de gravité, d’attente et de souffrance, et qui révèlent une narratrice touchante au possible, fragile comme un oiseau. Et celui qui s’impose ensuite, cette histoire que l’on connaît par cœur parce qu’elle est en nous et que, malgré tout, l’on se sent un peu plus léger d’avoir partagée, fût-ce de façon unilatérale.