Ce n’est pas tellement l’histoire qui m’a plu dans « Le camp des autres » .
C’est le style. Dès la première phrase, je suis tombée sous le charme de l’écriture de Thomas Vinau : « Le givre fait gueuler la lumière. »
Au début du 20ème siècle, un jeune garçon prénommé Gaspard s’enfuit de la ferme familiale accompagné de son chien bâtard. On comprend vite qu’il a commis un acte irréparable pour échapper à la violence de son paternel, brute épaisse.
C’est dans la forêt qu’il se réfugie et tente de survivre. Là, il va être recueilli et soigné par un « homme des bois », un dénommé Jean-le-Blanc qui vit seul dans une cabane plutôt confortable. Gaspard va reprendre des forces et se laisser apprivoiser : « Ils ont continué à parler à l’aplomb cru du soleil de mai. Ils ont continué à jongler leurs méfiances, leurs silences, leurs regards, sans jamais être certains de savoir s’ils jouaient finalement dans la même équipe ou l’un contre l’autre. »
Quand plus tard, une troupe de marginaux viendra rendre visite à Jean-le-Blanc, Gaspard sera subjugué …
» La clarté que l’on nous refuse, nous la volerons avec le feu. (…) La nuit est notre règne, la forêt notre patrie. Nous sommes les fils des bois perdus, de la route, de la boue des chemins. Nous sommes les fauves en exil. Les apatrides. Les moins que chien. (…)Nous sommes la famille de vos sacrifices, les cornus, les sauvages, les bouffeurs d’ombre, les récalcitrants. Nous sommes le vent qui souffle sur les braises, les morts pour rien dans la brume de l’Empire, la rage des chiens. Venez avec moi, je vous offre l’outrage, la brûlure, la ruade, le galop. Je vous offre la liberté des flammes sans lumière ».
Sauf que pour stopper cette caravane composée de voleurs, bohémiens, déserteurs, chauffeurs (ceux qui brûlaient les plantes de pied pour faire avouer où se trouve le magot caché, Georges Clémenceau va créer une toute nouvelle police : « Les Brigades du Tigre ».