« Il va pleuvoir », disent les grands, indéfiniment. Les grands, ce sont les parents de Nils et Nour, tous les quatre enfermés dans leur maison de hérissons. Dans cette maison, le temps défile mais différemment : tandis que les parents scrutent le ciel, évoquant les prévisions météorologiques, certains de la pluie qui arrive, les enfants scrutent plus bas, vers la rivière, la jolie et douce rivière dans laquelle flottent des tas d’insectes et des poissons. Ils jouent, également : à s’observer dans le dos des cuillères, à retrouver Pierre et le Loup dans le livre du même nom. Mais c’est ainsi : il va pleuvoir, et avant que la pluie « ne les enferme », les deux petits quittent le nid douillet pour s’aventurer vers les montagnes. Ils flottent sur un arrosoir rouge, alors que la pluie tombe à verse, comme l’avaient prévu leurs parents. Téméraires mais apeurés, ils finissent par atteindre la berge, puis longent une forêt. La nuit tombe, ils grillent des châtaignes, enfin réconfortés. Au matin, la rivière apportera le message des petits vers les grands, un « je vais bien, ne t’en fais pas » qui les consolera…
Que déceler dans les phrases énigmatiques d’Anne Herbauts ? Un conte initiatique, philosophique, poétique ? Une histoire d’affranchissement, de liberté, de révolte ? On ne saurait tenter de répondre à ces questions. Libre au lecteur adulte de se perdre, de deviner, de croire à ce qu’il voudra. L’enfant, lui, sera sûrement sensible aux illustrations colorées – de multiples collages –, qu’on a envie de toucher, de caresser, de regarder encore. Dans les albums pour enfants de l’auteure-illustratrice, l’univers est chaotique, il fait un peu peur, il n’est jamais lisse. Ses illustrations semblent des tableaux, son écriture, comme la rivière du conte, gronde et enfle, produit des « grands » mots, complexes mais toujours justes. Comme les nuages qui passent entre les phrases des deux héros, cet album fait de la place au silence, à l’observation et à l’émerveillement.