Elise Arfi, avocate commise d’office, est de permanence alors qu’arrivent sept pirates somaliens, arrêtés et extradés par les forces de l’ordre espagnoles. Elle « hérite » du pirate numéro 7 : Fahran. L’accusation est lourde : une prise d’otage, un mort, le mari, et une personne traumatisée, la femme.
Elise Arfi évite l’écueil qui aurait constitué à prendre la défense de son « client » (elle n’est pas rémunérée pour ce procès et sa préparation qui aura durée 4 ans) et à tenter de nous gagner à la cause de son innocence. Car il est acquis dès le départ que Fahran est coupable. Elise Arfi choisit de parler de tout ce qui a entouré les 4 ans de procédures et le procès en lui-même. Et elle n’épargne rien ni personne. Elle met tou à « nu » : son client avec ses défaillances, ses faiblesses, ses failles et ses fautes, l’institution judiciaire dans son ensemble, ses rouages, ses prisons, ses juges et ses médecins, et pour finir elle-même, ses doutes, ses errances, ses combats et ses errements.
Ni essai, ni témoignage, ni réquisitoire, ce livre, qui court sur moins de 200 pages, est un peut tout cela à la fois. C’est toute la puissance de ce récit qui réside dans cet aspect polymorphe et condensé de la narration.
Elise Arfi nous ballotte d’un thème à un autre, de la situation de Fahran, être humain même pas adulte déraciné de sa Somalie natale dans une France et, qui plus est, dans les griffes d’une institution qui a jugé, condamné, avant-même le procès, desquelles il ne maîtrise rien : ni les règles, ni les codes et surtout pas la langue, à ses propres questionnements sur son métier, ses méthodes, sa relation avec Fahran en passant par le caractère impitoyable des institutions.
Jamais, Elise Arfi tente-t-elle de soustraire Fahran à ses juges. Mais jamais n’accepte-t-elle les conditions dans lesquelles cette confrontation a lieu. Elle pense également aux victimes, sans personnifier le cas de son pirate n° 7, mais en élargissant ses propos à tout type de victimes pour lesquelles ce type de procès n’apporte jamais le soulagement tant désiré. Tout comme ces procès n’accorde jamais de rédemption au coupable.
Court, sans complaisance, direct, ce livre est une clef d’accès au monde judiciaire dans sa plus simple expression de bestialité.