L’auteur de « Virgin suicides » ou du « Roman du mariage » est l’un de mes romanciers américains préférés. Il publie là un recueil de nouvelles où l’on retrouve son œil aiguisé sur les rapports humains, son ironie et l’empathie qu’il porte à ses personnages. Savoureux…
Une maison à soi
La première nouvelle, d’inspiration autobiographique, est la plus émouvante. Della, une octogénaire qui présente des signes de démence sénile, vient d’être placée dans une résidence adaptée. Lorsque sa meilleure amie Cathy lui rend visite, elle lui apporte un cadeau symbolique, leur livre préféré, l’histoire de deux Indiennes rebelles. Révoltée par le sort de Della, Cathy décide de prendre les choses en main et de la ramener chez elle en dépit de l’avis de tous… Une maison, un foyer : voici un motif reliant ces histoires, comme celle où un retraité vend sa maison et s’endette pour retaper hôtels en ruine et pensions à l’abandon, dans l’espoir de faire fortune et de transmettre un patrimoine immobilier à ses descendants. Ailleurs, un homme a l’interdiction de s’approcher de l’ex-domicile conjugal, mais ne peut s’empêcher d’espionner sa famille, regrettant amèrement la douceur du quotidien après avoir trompé sa femme. On paie toujours ses erreurs au prix fort…
Des rapports humains à la loupe
Observateur subtil de la classe moyenne supérieure, l’auteur dissèque la cohabitation des sexes, le puritanisme, l’émancipation des femmes comme dans cette nouvelle où une quadragénaire décide d’avoir un enfant toute seule et de façon artisanale, en choisissant le donneur de sperme, alors que son ancien petit ami déplore de ne pas être le père. Les rapports entre hommes et femmes sont souvent brouillés : adultères, relations entre un professeur et une étudiante manipulatrice, ségrégation des femmes dans une tribu primitive étudiée par un anthropologue. Comme dans les romans, on franchit la ligne de la morale : relation sexuelle sans lendemain, détournement d’argent, mensonges, autant de pas de côté induits par la solitude, la lâcheté, l’égoïsme ou la mesquinerie. Si toutes les nouvelles ne sont pas d’égale qualité, certaines sont de véritables pépites.