Rares sont les auteurs qui parviennent à pénétrer le monde de l’adolescence sans s’y casser les dents. En se glissant dans la peau d’une lycéenne de 15 ans, Gaël Aymon s’y frotte avec brio. Il nous emmène dans la cour de récré, cet univers impitoyable, dont il comprend parfaitement les règles.
« Chaque matin, sortir dans la rue comme descendre dans l’arène. J’essaie de ne pas penser à ce qui m’attend pour ne pas faire marche arrière. » Lorsque Laura, élève de seconde, repousse les avances de Sofiane, l’un de ses meilleurs amis, son monde s’écroule. Ses potes lui tournent le dos. Elle qui ne traînait qu’avec des garçons, et qui préférait dix fois leur compagnie à celle des filles, se retrouve soudain seule. Désormais exclue de la bande, elle est sur la touche. Rapidement, la vérité s’impose : Laura n’a plus d’amis. Mais ce sentiment d’abandon n’est rien face aux accusations auxquelles elle doit faire face. « Pute », « salope » : des mots violents, qui la blessent et lui font mal. Les insultes pleuvent. La rumeur s’amplifie. Derrière son dos, on murmure, on ricane. La jeune fille découvre qu’une photographie d’elle, endormie et en pyjama, prise au Nouvel An, circule sur le web. Les commentaires la troublent et la salissent. On se moque, on la juge. De plus en plus isolée, Laura n’a plus qu’une solution : « survivre ». Quitte à sécher la cantine le midi, à s’assoir seule au premier rang, et à se taire, pour surtout, ne rien laisser paraître.
Tout en finesse, Gaël Aymon aborde le thème de la cyber-réputation. Si dans la cour de récréation, on rit sous cape, sur les réseaux sociaux, Facebook notamment, les ennemis de Laura s’en donnent à cœur joie. La narratrice décrit bien ce petit monde qui peut-être d’une cruauté extrême et où il faut rester dans la norme, pour exister. Aux yeux des autres, Laura devient transparente, et c’est peut-être le pire qui soit pour une jeune fille en quête de reconnaissance, de respect et d’estime. L’auteur brosse le portrait d’une adolescente attachante et courageuse, qui ravale ses larmes et ne veut pas montrer ses faiblesses. Car Laura ne se laisse pas démolir. La tête haute, elle se protège des agressions extérieures et parvient finalement à mettre un mot sur ce qui lui arrive : le harcèlement. Un récit ancré dans le présent, très fluide et d’une grande sincérité, qui se lit d’une traite et pose les bonnes questions.