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Manifesto de Leonor de Recondo est le coup de coeur de la librairie L’Arbre à Papillons dans le q u o i l i r e ? des libraires #53 La dernière nuit Tout au long de cette nuit du 24 au 25 mars 2015, Léonor de Recondo et Cécile, sa mère, accompagnent Félix dans ses derniers instants. Avec l’hôpital pour décors et les infirmières comme figurantes, c’est le dernier acte d’une vie qui se joue. Léonor et Cécile se parlent, elles lui parlent, mais un interlocuteur surprise s’invite dans leur conversation, et dialogue lui aussi avec Félix, inconscient, perdu dans ses rêves et son passé. Cet invité, Ernesto, est en réalité Ernest Hemingway. Félix l’a-t-il vraiment connu lorsqu’il était enfant en Espagne ? Possible, probable même, mais peu importe finalement, le fantôme de l’écrivain apporte un souffle d’air frais à ce huis-clos familial. Au fil de la nuit, cette discussion imaginaire, cette communion entre les esprits des protagonistes, permet de revenir sur la vie de Félix et les tragédies qui l’ont traversée. Il a perdu trois enfants, comment survivre à l’horreur ? Il a survécu, pas plus. Hemingway raconte ses guerres et son amour des taureaux, Félix se souvient de son enfance en Espagne et Léonor de leur complicité, lui à ses pinceaux, elle à son violon. Déambulant dans le vingtième siècle, le lecteur participe à ces éclats de vie. « Pour mourir libre, il faut vivre libre », ce fut le « Manifesto » de Félix, que Léonor reprend à son compte dans ce texte poignant. Pascale Frey Lire notre interview: Quelle lectrice êtes-vous
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Ce récit est d’une beauté inouïe, cristalline. On pénètre à pas feutrés dans cette antichambre de la vie de Félix. Pas de voyeurisme, pas de passage en force. Seul, le rai de lumière invite à la grâce d’une écoute en bénédiction de Léonor de Récondo. On reste en silence appuyé contre le mur des paroles en délivrance. Le champ flamboyant fait reculer tout Bovarysme. Ici, ne passe que la beauté raffinée. Les souvenirs contés par Léonor de Récondo sont des blés fauchés en plein pré au sombre du soir. Félix va mourir. Pas de pathos, dans ces lignes murmurantes. Félix aussi se rappelle. En lui, se fraie les images de son passé. Combattant en Espagne le noir vil d’une montée fascisante auprès d’Ernest Hemingway son frère d’armes et de valeurs. Félix l’artiste, le magnanime, sculpteur, peintre de renom aux mains ridées d’un générationnel de quatre enfants et deux épouses dont Cécile la mère de l’auteure. « Manifesto » est un symbole, celui d’Ernesto Guevara . Une métaphore lucide aussi d’un Gernika aux écorces toujours vivifiantes. Ce récit est à l’instar d’un livre religieux. Les confidences déployées sont si donnantes, si sincères, que la ferveur en est osmose. On reconnait l’écriture de l’auteure riche de plusieurs romans, ses mots pliés dans un mouchoir si précieux qu’ils sont posés dans les pages un à un délicatement. « Je ne me suis jamais senti espagnol, jamais français non plus, toute ma vie durant. Les seuls territoires qui me restaient étaient ceux du dessin, de la sculpture et de la création, qui m’élevaient au-delà des idiomes et des frontières. » Malgré la tristesse de toute mort, ce récit est le retour vers la vie. Ce qui brille dans « Manifesto » est l’invisibilité. La puissance vitale de Félix est éternelle et le lecteur ressent ce courant magnétique. Félix est tombé. Mais l’arbre ne se brise pas. Reste cette essence rare et formidable d’un héros qui a laissé son bagage d’orfèvre pour l’après. « Le très vieux les mène sur le chemin de la colline. » Le lecteur devient berger. Publié par les Editions Sabine Wespierser, ce récit culte est en lice pour Le Prix France télévisions le Livre 2019 catégorie roman . |
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