Ce roman est une étoile filante. Un cerf-volant voguant dans un ciel livresque majeur. Epoustouflant, maîtrisé jusqu’à l’ultime rare, il est une perle précieuse. L’écriture est aérienne, solaire. Elle affine sa maturité dans un souffle qui semble naturel pour l’auteure Leïla Bahsaïn. Douée et brillante, cette dernière offre une grâce littéraire. Et que ça fait du bien ! Ce récit a donc une double lecture. Le lecteur en reste bouche-bée. Fabuleux et plaisant et sans compromis, il respire la liberté. L’incipit « J’ai l’amour maudit » donne le ton d’une émancipation dont la jeunesse est l’emblème d’une porte que l’on pousse du pied.
D’emblée, le lecteur apprécie la narratrice jeune femme marocaine, libre, immensément libre. Son histoire de vie est un voile qu’elle trépigne du pied. Un refus des diktats sociétaux et religieux à outrance. Elle nage à contre- courant et, malgré tout arrive sur la rive de ses désirs. Honnête, intègre, battante, lumineuse, profondément intelligente, on s’attache à cette jeune héroïne en devenir. On admire la courbe de ses paroles et se délecte de ses bravoures. Mon perchoir est ouvert sur un morceau de rue. Hauts murs, cimes de ficus brodée dans une étoffe nuit noire. Ether sibyllin, imperméable aux vœux et aux étoiles qui préludent aux espoirs. »Les protagonistes sont des lianes liées, courageuses, défiant le conformisme, les traditions avilissantes. Elles s’élèvent en volonté. « Mère Officielle »est une métaphore dont on aime les traits et les convictions. « Tout se paye. Tout se paye jusqu’au plaisir de regarder un film au cinéma. » « Le ciel sous nos pas » est un microcosme coloré, vif, politique, aux saveurs émancipatrices. « C’est décidé j’irai chercher ce qui jamais ne me sera offert. Oser moi aussi. »
Ce roman est un délice. Une invitation à fouler les ruelles marocaines riches de cette fraternité qui joue à la corde à sauter en cachette. Les couleurs, regards, palpitations sont des voyages intérieurs. Le lecteur aime cette ubiquité. Il sait et a compris que ce roman est universel, profondément vivant, et n’attise pas le mal. Cette jeune héroïne, rebelle part pour la France. « Je suis un cobra zébré de noir et de blanc qui prépare sa mue… » « Il y a des voyages dont on ne revient pas. Sociétés mêlées. Consciences impures. » Là où cette jeune déracinée pose le pied mesure 26 niveaux. Tour de Babel renversée, elle cohabite avec Barberousse un adepte sournois des forces du Mal. Néanmoins, elle devient invisible et se forge en combattante du Savoir où elle côtoie les valeurs républicaines en franchissant la frontière d’une citadelle littéraire et plus. « Je reviendrai, je repartirai. Je continuerai à flotter entre deux rives. » Ce roman est une pépite, un incontournable pour grandir en humanité. Publié par Les Editions Albin Michel, « Le ciel sous nos pas » est en lice pour Le Prix France Télévisions 2019 catégorie romans.