Buffalo Bill et Rosa Bonheur, une amitié admirable
Natacha Henry

robert laffont
mars 2019
228 p.  20 €
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une si belle histoire

Comment naît l’idée d’un roman ? Qu’est-ce qui a donné envie à Natacha Henry de lire des kilomètres d’archives, de courir des lieux culturels du Wyoming à Thomery, proche de Fontainebleau, de s’intéresser à la peinture animalière, de se passionner pour le cowboy mythique et une femme d’exception ?

« Le point de départ, c’est un tableau, exposé au mur du Buffalo Bill Center of The West, signé Rosa Bonheur. Quand l’avait-elle peint ? Pourquoi lui ? J’ai tiré sur le fil…suivi des petits cailloux et et suis allée de découvertes merveilleuses en incroyables rencontres », explique l’auteure sur le chemin du Château de Rosa Bonheur, à Thomery, que Katherine Brault fait revivre avec ténacité depuis quelques mois. Un lieu magique où l’atelier de l’artiste, resté quasi inchangé depuis plus d’un siècle, se découvre avec émerveillement.

L’histoire de cette « amitié admirable » entre William Cody, le Buffalo Bill du Wild West Show et la plus grande peintre animalière du 19e siècle est présentée comme un roman, mais son socle, documenté, fouillé, plonge le lecteur dans un univers aux entrées multiples.

Les amoureux de peinture redécouvriront un pan de la vie de Rosa Bonheur. Une artiste qui a disparu, curieusement, de nombre de programmes d’enseignement d’histoire de l’art en France. Est-ce parce que son talent de peintre animalière éclipsait celui de ses confrères masculins ? Parce qu’elle s’habillait comme un homme (elle avait demandé en préfecture un « droit au travestissement ») ? Qu’elle était indépendante financièrement et vivait de son art ?

Etonnante famille que celle de Rosa. Sa mère est morte d’épuisement lorsque Raymond, le père, s’est mis en retrait des siens pour s’immerger dans la doctrine saint-simonienne, abandonnant ses quatre enfants dans un premier temps. C’est lui, peintre également, qui fut le professeur de sa fille, la poussant à travailler sans cesse, à observer, à se faufiler dans les abattoirs pour voir au plus près les corps des animaux qu’elle souhaitait représenter. Ses premiers tableaux, Rosa les réalise à l’adolescence. En quelques années, elle s’impose dans ce registre de la peinture animalière réaliste. Elle est défendue avec intelligence par des galeristes d’art, les collectionneurs succombent à la magie de ses toiles. Ce qui lui valu de surprenants cadeaux de fans, comme cette paire de mustangs « pour une artiste qui sait si bien peindre les chevaux » » offerte par un richissime homme d’affaires. Cette renommée de Rosa Bonheur, Buffalo Bill la connaît lorsqu’il débarque en France avec son barnum du Wild West Show, pour l’exposition universelle de 1889. Il accepte la proposition des galeristes de Rosa Bonheur, à savoir qu’elle vienne dans les coulisses de son show pour observer. A 67 ans, Rosa est en deuil depuis qu’elle a enterré, quelques mois plus tôt, Nathalie Micas, qui partageait sa vie depuis plus de cinquante ans (elles se connaissaient depuis l’enfance !). Ses proches sont inquiets pour elle. Sa rencontre avec Buffalo Bill la fait sortir de cette période de chagrin, lui redonne l’envie de peindre. La production des dix dernières années de sa vie fut d’ailleurs incroyable.

L’auteure essaie d’imaginer ce que l’un pensait de l’autre, de comprendre les raisons qui permirent ce coup de foudre amical, au point que le célèbre cowboy vint lui rendre visite chez elle, entre deux représentations du Wild West Show à Neuilly ; qu’ils se confièrent l’un à l’autre. Se reconnurent-ils dans les deuils qui les avaient frappés, s’émurent-ils peut-être de constater qu’ils avaient tous deux perdu, très jeunes, leurs mères respectives…

Ils avaient quoi qu’il en soit des attachements communs et cette parenthèse, salutaire dans la vie de Rosa, le fut sans doute aussi pour le cowboy dans le tourbillon qu’était sa vie en cette fin de 19e siècle..

Rosa fit de nombreux tableaux des animaux du Wild West Show. Subjuguée par la beauté et la majesté des indiens Iakota, elle s’intéressa à leur histoire. Echangea même autour de la peinture avec l’un d’eux, Rocky Bear (épisode authentique), puis se décida à peindre Buffalo Bill, bien qu’elle préféra bisons et chevaux !

Ce livre porte également un bel éclairage sur celle qui partagea les dernières années de la vie de Rosa Bonheur, Anna Klumpke, jeune artiste et traductrice nord-américaine. Elle signa une biographie exemplaire de Rosa. Et put assister au plus beau témoignage d’amitié de Buffalo Bill envers Rosa Bonheur lorsqu’il revint en France quelques années après sa mort… A découvrir en vous plongeant dans ce texte !

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