Une ville de papier
Olivier Hodasava

Inculte
avril 2019
144 p.  15,90 €
 
 
 
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coup de coeur

Une ville de papier de Olivier Hodasava
est le coup de coeur de la librairie Tropismes à Bruxelles
dans le q u o i  li r e ? #73

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Fascinant, envoûtant, captivant, magnétique… Voici les adjectifs qui me viennent à l’esprit pour décrire le dernier roman d’Olivier Hodasava : « Une ville de papier », publié chez Inculte et cela tient, je crois, à trois éléments : le sujet, la construction et l’écriture.
Le sujet : alors là, accrochez-vous…
Nous sommes dans les années trente, aux États-Unis, en plein essor de l’industrie automobile. Pour inciter la population à parcourir les grands espaces américains, les géants du pétrole via les stations-services leur offrent des cartes routières…
Avril 1931 : le patron de la General Drafting, société spécialisée dans la cartographie, invite un de ses employés, un certain Desmond Crothers, à déjeuner dans un restaurant chic de New-York. Il veut en effet le remercier pour son travail sérieux et consciencieux. Pour ce faire, il va lui proposer d’ajouter un « Copyright Trap » de son choix sur la carte du Grand Est américain pour laquelle ils sont en train de travailler. Un « Copyright Trap » ? Quèsaco ? Ah ah, vous n’avez jamais entendu parler de cette bête-là ? Eh bien, figurez-vous que pour s’assurer de ne pas être copiés par des concurrents et donc pour protéger leurs droits d’auteurs, jusque dans les années 80/90, les concepteurs de cartes ajoutaient… une ville imaginaire. Ainsi, s’ils retrouvaient celle-ci sur la carte d’un concurrent, il leur était très simple de prouver que leur travail avait été copié. Et ça existe vraiment les « Copyright Trap » ? Mais OUI ! Aussi incroyable que cela puisse paraître : allez jeter un coup d’oeil sur l’article Wikipédia… Il y a eu des villes imaginaires (Agloe, dans l’Etat de New York), des rues imaginaires et, toujours pour éviter le plagiat, dans des encyclopédies, vous pouvez aussi trouver des entrées imaginaires, des noms propres imaginaires… Comme je vous le disais, c’est fascinant ! Voilà qui aurait beaucoup plu à Borges, tiens ! Donc, revenons à notre employé modèle : il va donc avoir l’honneur de placer sur la carte de l’Est américain une ville fantôme dont il choisira le nom…
Sur ce point, je n’en dis pas plus sinon qu’après avoir parcouru les premières lignes, vous êtes littéralement ferré, happé, captivé et vous allez jusqu’au bout du roman d’une traite ! Je crois que ce livre a un pouvoir magique… Si, si…
Bon, à présent la construction : en fait, ce roman est l’histoire même de cette ville inventée par l’employé Desmond Crothers et l’on voit la façon dont différentes personnes ( un commerçant, une ancienne miss, Walt Disney lui-même, des hippies, Stefen King en personne…) se sont emparés de ce lieu, que ce soit pour y bâtir une épicerie, un podium, une cité ou bien comme sujet d’écriture… En fait, l’ensemble est présenté comme une enquête menée par un homme fasciné par le sujet et qui va interroger différents témoins : l’effet de réel marche à fond, ce qui fait que l’on croit vraiment à tout ce qui nous est raconté. Il y a, dans ce roman, un jeu important entre la fiction et la réalité qui est vertigineux. On passe de l’un à l’autre continuellement, et les repères entre l’illusion et le réel finissent par s’estomper, se brouiller et s’annuler voire s’inverser, car finalement, cette ville qui n’existe pas finit par avoir plus de consistance, plus d’histoire et donc plus de réalité que tout autre lieu. Ici, la fiction plaque au sol le réel qui ne se relève pas. La fonction performative du langage s’en donne à coeur joie. Je nomme, tu existes : ils y vont.
Par ailleurs, ces différents « témoins » interrogés créent un effet bluffant de mise en abyme : on a l’impression que tel ou tel petit détail de leur récit pourrait très bien être approfondi et donnerait lieu à une autre histoire qui s’ouvrirait à son tour sur un autre récit.
Et pour finir l’écriture : elle participe largement de cet effet de réel : en effet, les descriptions ainsi que l’exposé des faits, les gestes des personnages sont très précis, très minutieux, donnant l’impression au lecteur qu’il est là, présent, qu’il assiste à la scène. C’est stupéfiant.
Il faut dire aussi que certains détails du récit confèrent parfois à cette ville imaginaire un pouvoir presque magique, fantastique… On perd très vite nos repères, on ne sait plus où l’on est (malgré la carte que l’on a sous les yeux.) Impressionnant…
Pourquoi n’ai-je pas entendu parler de ce roman plus tôt ? Tiens, ça aussi c’est incroyable. Décidément !
Allez, vous n’avez aucune excuse, foncez !

PS : L’auteur, Olivier Hodasava, a un blog « Dreamlands Virtual Tour » : depuis 10 ans, il publie tous les jours des photos prises à partir de Google Maps et Google Street View. Il invente des petites histoires, propose quelques commentaires poétiques ou esthétiques… Il est l’un des fondateurs de l’OuCarPo : l’Ouvroir de Cartographie Potentielle, sur le modèle de l’OuLiPo. Jetez-y un petit coup d’oeil !

LIRE AU LIT le blog

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La ville rêvée

« Une ville de papier » est un roman génial, original et mélancolique ; une enquête borgésienne, géographique et poétique sur une ville américaine où planent les ombres d’Alfred Hitchcock, de Rod Serling, de Walt Disney, de Stephen King ou de Jimi Hendrix, auxquelles on ajoutera le nom d’Olivier Hodasava, notre auteur féru de cartographie.

On appelle « ville de papier » un « Copyright Trap », ou « piège à copyright », c’est-à-dire le nom d’une ville fictive qu’un cartographe ajoute délibérément sur une carte pour protéger son droit d’auteur et, le cas échéant, mettre en évidence un plagiat. Ainsi naît Rosamond, ville imaginaire du Maine que le cartographe Desmond Crothers invente de toutes pièces en 1931 pour le compte d’une entreprise spécialisée dans les cartes routières distribuées gratuitement dans les stations essence américaines, en plein essor de l’industrie automobile. En 2013, le narrateur, auteur et amateur de cartographie, entend parler de la ville fictive de Rosamond qui a la particularité d’avoir réellement existé, d’abord sur le papier puis dans les faits, en atteste aujourd’hui encore la pancarte d’un magasin général. Comment une ville qui n’a d’existence qu’imaginaire en vient à avoir une réalité territoriale ? Notre auteur se rend sur place pour mener une enquête qui se transforme en recherche du temps perdu. A travers ses rencontres et ses investigations en réseau, il reconstitue l’histoire incroyable de ce lieu fantôme et maudit, de ceux qui l’ont peuplé de leurs rêves et auquel créateurs et utopistes se sont intéressés. Cette vraie fausse fiction est portée par l’écriture vivante, délicate et émouvante d’Olivier Hodasava qui touche à l’essence de la création par le Verbe, et nous conte en filigrane les revers du rêve américain. Lecture passionnante et coup de cœur absolu !

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