Après avoir refermé l’étonnant roman de Neil Jordan, on ne pourra plus prétendre que les écrivains manquent d’imagination ou ne se donnent aucune peine pour sortir et vous sortir de leur quotidien. Cette lecture nous prouve également que la littérature irlandaise est plus vivante, plus riche que jamais. Neil Jordan aime les vampires (il en a même fait un film, « Entretien avec un vampire »), raison pour laquelle il installe son narrateur, Kevin Thunder, dans la maison voisine de celle qui appartint à Bram Stoker, l’auteur de « Dracula », dont l’âme revient hanter les lieux. Kevin habite la partie populaire de Dublin, alors que Gerald, lui, est issu d’une famille d’avocats. Kevin et Gerald se ressemblent tant qu’on les prend souvent l’un pour l’autre. Ce pourrait être amusant (et d’ailleurs ils commencent par en jouer), si cela ne finissait par devenir perturbant, angoissant même. Kevin et Gerald se croisent parfois, apprennent à se connaître, mais se fuient aussi, tant ils sont gênés, troublés par cette « confusion ». Qui est qui, le savent-ils encore ? L’un est riche, l’autre pas. L’un est un écrivain reconnu, l’autre pas. Et pourtant, celui qui avait tous les atouts en main voit peu à peu son étoile pâlir. Le livre débute lors de l’enterrement de Gerald, au cours duquel Kevin fait la connaissance de la fille de son sosie. A qui il va raconter leur histoire commune. Et quelle histoire !
Article paru dans ELLE