Parce qu’un jour Philippe apprend que Janick a dit qu’il « faisait des manières », son monde s’écroule. Quand on a dix ans, certaines paroles peuvent comme ça provoquer un tsunami intérieur, une prise de conscience, un sursaut amenant à gérer différemment ses frustrations. Janick c’est la mère d’un copain, Philippe l’admire, elle a quelque chose, une élégance, une distance par rapport à leur petit monde. Nous sommes en 1975, dans une petite ville à quelques encablures de Paris, dans un univers de parents instits. L’une dirige l’école maternelle, l’autre enseigne aux CM2, tous gravitent dans le milieu scolaire et y vivent, même. Les appartements sont de fonction, c’est un vase clos avec un petit air de familistère. Les enfants y grandissent, se chamaillent, se brouillent. Les adultes s’y conforment, y étouffent, flirtent avec l’adultère. C’est une époque où la mixité scolaire se met tout juste en place (avec réticences), où l’on sent un frémissement quant à l’évolution de la société, même si la condition féminine est encore très calibrée… Jean-Philippe Blondel nous propose ici un roman très différent des quatorze précédents. Sa plume y est alerte, précise, ses personnages éclatent de vie et nous font pénétrer avec une grande facilité dans leur monde. Pas de drame existentiel ni de situations tire-larmes, juste la vie, les gens, nous. Et c’est super réussi.