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« Murène » de Valentine Goby L’art des cicatricesValentine Goby raconte l’histoire d’une vie coupée en deux par un choc terrible, une épopée du corps mutilé, celui d’un accidenté civil devenant sous sa plume un héros. François Sandre est un Parisien de vingt-deux ans, il vient de rencontrer une fille dont il est amoureux, il travaille sur des chantiers et vit avec sa sœur et ses parents qui possèdent un atelier de confection. En février 1956, au cœur de cet hiver qui bat tous les records de froid, il se rend dans les Ardennes pour aider à la scierie d’un cousin, lorsqu’il est victime d’un accident par électrocution avec une caténaire. Sa survie tient du miracle, mais il sera amputé des deux bras. C’est la fin, tout s’effondre, son corps entièrement dépendant ne lui appartient plus, ne lui répond plus. Après des mois d’hospitalisation, de douleur physique et morale apaisée parfois par une infirmière dévouée, François rentre à Paris auprès des siens où il doit tout réapprendre, son quotidien devenu impossible sans assistance, sous les regards de pitié ou d’horreur qu’il suscite parfois dans la rue. Alternent des phases de profond désespoir, de colère et de honte, et d’éphémères éclaircies : certes les prothèses lui redessinent une silhouette normale, mais ne lui permettent pas d’exécuter les gestes les plus élémentaires. A la faveur d’un séjour à la montagne, il découvre dans un lac que son handicap est moins lourd dans l’eau, comme le signe d’une renaissance. Malgré les obstacles, il apprend à nager sans bras et découvre le handisport développé après la Seconde Guerre mondiale, avec pour objectifs la rééducation et la réinsertion. Pour autant, il lui en faudra, du courage et de la force d’âme pour franchir les limites assignées à son corps de grand blessé et pour atteindre la résilience. Autour de François, la vie familiale et sociale bouleversée se transforme aussi, sur fond de libération des entraves et de l’affranchissement du joug de la norme. Valentine Goby, avec une écriture ciselée, précise et sensible, possède l’art de nous attacher à ses héros du quotidien, les personnages secondaires n’étant pas en reste ; ici, chacun gravit sa montagne avec son fardeau. Un beau roman qui s’ajoute à une œuvre lumineuse et délicate.
Les internautes l'ont lu
coup de coeur
Je n’ai jamais été déçue par les romans de Valentine Goby, non, jamais. Ils sont assez rares ces auteurs qui ont suffisamment de talent pour se lancer dans une VRAIE histoire avec de VRAIS personnages, forts, puissants, éblouissants même, en tout cas impossibles à oublier et que l’on suit comme s’ils étaient un ami ou un frère : en tremblant, en espérant, en pleurant. LIRE AU LIT le blog
Poignant, relevé, mature, ce roman est un témoignage clé contre l’adversité. Il incite à l’espoir, au plausible réveil dans un autre espace vital. Il bouscule et arpente les cimes ténébreuses, brouillard opaque irréversible. Ce récit est le parchemin de la vie d’un jeune homme en l’occurrence François en sève de jours heureux. Jusqu’au jour où un drame va s’abattre sur ses ailes papillon, briser son envol vers une jeunesse riche d’insouciance, anéantir la beauté frémissante de son corps de jeune battant. L’écriture est pragmatique, précise, quasi chirurgicale parfois. Rien n’est laissé de côté, tout est dit. François l’authentique n’est plus. Son corps dans cette trame devient substance. Après de longues années de souffrances, de fuites, de rejet de lui-même et des autres, il va peu à peu à pas prudents s’avancer vers le sombre, chercher sa voie. Murène emblématique chutant dans l’espace marin, défiant la peur, la honte, il va tourner le dos à l’étrange (er) son double à jamais. Lire ce récit, c’est devenir murène. |
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