Le polar fait toujours bon ménage avec l’humour, quitte à teinter les atmosphères noires d’un rire un peu jaune. Le défunt Donald Westlake a longtemps porté très haut ce registre avec les aventures de John Dortmunder. D’autres auteurs, depuis, ont pris le relais et Mark Haskell Smith est un des plus originaux et corrosifs. On avait adoré, il y a trois ans, « Ceci n’est pas une histoire d’amour », où un héros de télé-réalité faiblement doté en neurones devient un auteur à succès grâce à son autobiographie écrite par un autre. Jusqu’à ce qu’une blogueuse hargneuse entreprenne de les démasquer. L’idée de base de « Coup de vent » est du même acabit : agiter une même carotte sous le nez de personnages ayant de bonnes raisons de se détester.
Cette fois, ce n’est plus le pompon de la célébrité qu’il faut décrocher, mais celui de la richesse. Un joli petit magot qu’un trentenaire cadre à Wall Street a fait s’évanouir dans une cascade de comptes-écrans ouverts dans des paradis fiscaux. Avant de disparaître à son tour sur un voilier pour aller récupérer cette promesse d’une dolce vita éternelle. La motivation de l’indélicat golden boy donne le ton à ce suspense aux couleurs des Caraïbes : ayant volé un système qui érige l’évasion fiscale en mode de vie, il n’éprouve aucun remord.
Ce cynique sympathique est bientôt traqué par d’autres qui le sont moins, lancés à ses trousses par son ex-employeur ou alléchés par l’odeur de l’argent. On apprend d’emblée qu’un des poursuivants va se retrouver vers la fin de l’histoire à bord du voilier en partie détruit, bientôt secouru par une navigatrice ayant épuisé ses réserves de compassion. Entre le début et cette fin, les pointillés suivent des routes inattendues, agitées, parfois dangereuses. On n’a alors qu’une envie : cingler toutes voiles dehors jusqu’au port et savoir ce qu’il advient du jeune loup et du magot. Jusqu’à la réplique finale, on s’accroche au bastingage mais on n’est pas déçu du voyage…