o n l a v u Bienvenue dans la famille Lyons. Une tribu britannique ordinaire installée à Manchester. Une tribu tout court, en fait. Rien que du très commun. Des petites joies. Des engueulades. De grands moments. Beaucoup de non-dits. Ou de trop répétés… Une famille, en somme. Mais une famille qui doit faire comme elle peut dans un monde chaotique post Brexit. Entraînée dans une spirale obscurantiste et folle que la raison ne semble plus capable de freiner. La preuve, dans ce monde-là, Donald Trump réélu n’hésitera pas à faire tirer un missile nucléaire sur un territoire chinois. Une consécration du no limit, donc. Incroyablement incarné par Emma Thompson dans le tailleur de Vivienne Rook. Une politique dont le « talent » est tout entier résumé dans sa manière de caresser ses électeurs dans le sens du poil. Et, il faut prévenir, elle est surdouée. À côté d’elle, même Berlusconi grande époque avait des airs d’enfant de chœur. Juste pour donner une idée des proportions… Dès les premières minutes de « Years and Years » (une coproduction BBC One, HBO et Canal Plus), c’est elle qui donne le ton. Interrogée à la télé sur son opinion au sujet du conflit israélo-palestinien, elle répond : « I don’t give a fuck ». Soit en VF : « Je n’en ai rien à foutre ». De l’autre côté du poste, chacun des membres du clan Lyons assiste, incrédule, à cette déclaration provocatrice d’indifférence. Tout « Years and Years » est déjà là, sous nos yeux. Une proposition périlleuse et inédite. Une chronique familiale greffée sur une réflexion frontalement politique. Le petit et le grand. L’intime et le collectif. Un grand écart inédit qui fonctionne de manière stupéfiante. Pas uniquement car il affronte un à un tous les défis de notre temps : le réchauffement climatique, la crise migratoire, la financiarisation de l’économie, l’impact des nouvelles technologies. Le grand point fort de la série est la manière dont elle mesure les conséquences de ces grandes mutations sur des gens ordinaires. Un parti-pris imposé par l’air du temps pour son créateur, le Britannique Russell T Davies. « Ces dernières années, le monde semble s’être accéléré comme jamais. Nous vivons une époque tourmentée. Nous sommes avec le temps soit plus politisés, soit plus méprisants envers la politique. Et je pense qu’avant, pour beaucoup de gens, la politique traitait surtout des mesures économiques, mais qu’aujourd’hui, elle concerne aussi notre identité. Nous sommes allés aussi vite que possible avant que ce qui se passe dans le scénario ne se produise dans la réalité ! » Et c’est précisément cela qui embarque. On le sent, ce qui est anticipé pourrait arriver dès après-demain. En état de sidération, comme les Lyons, on est les témoins impuissants de la désintégration du modèle démocratique. Et le pire se produit malgré le quotidien qui lui continue d’exister. Année après année. Years and years… Chacun des six épisodes se déroule à un an d’intervalle. Years and years, les Lyons continuent de s’aimer et de se déchirer. Une dimension cruciale pour Davies : « C’est le cœur de l’histoire. Nous voulons les voir tomber amoureux et rompre, voir les parents et les enfants faire face à ce qui peut leur arriver, suivre les amitiés à travers les décennies… Les gens peuvent parler politique dans la série, mais ce sont les personnages que les spectateurs regardent. » Et, avec eux, on se pose une seule question : « Et maintenant, il va se passer quoi ? » Marianne Lévy Years and years |
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