La rédaction l'a lu
coup de coeur
« Mon territoire » de Tess Sharpe Tel père, telle fille ?Elle a huit ans quand elle voit son père abattre un homme. Et huit encore quand sa mère est tuée sous ses yeux. Douze quand elle pointe pour la première fois une arme sur quelqu’un. Quatorze quand un voyou lui casse le nez. Dix-huit quand elle lui casse le sien… Son journal intime serait en lettres de sang, si elle en tenait un. Mais sa vie ne lui laisse ni la liberté ni l’envie d’en écrire un. Son père est le roi de la méthamphétamine dans le nord de la Californie et il a décrété qu’elle lui succèderait. Alors, en guise de secrets de jeune fille, la voix intérieure de Harley McKenna raconte comment il a fait d‘elle son bras droit. « Il m’a aimée. Il m’a terrorisée. Il m’a forgée ». Elle montre ainsi comment, année après année, son père l’a éduquée en future cheffe de gang. Entre deux sauts dans le passé, elle confie comment elle entreprend de tout défaire, maintenant qu’elle a ouvert les yeux. Un chapitre à l’envers, un autre à l’endroit. « Mon Territoire » est un haletant parcours de rédemption et d’émancipation, la course contre la mort d’une jeune femme programmée pour s’épanouir hors-la-loi, et qui retourne contre les hommes toutes les armes qu’ils lui ont données. Ce magnifique personnage tragique, Tess Sharpe en a accouché dès son premier roman pour adultes, autre raison qui fait sortir son livre du lot. Dans une atmosphère sinistre de peur, de manipulation, d’intimidation, elle lui confectionne une cape de super-héroïne, acharnée à protéger les femmes battues, à faire taire les suprémacistes blancs, à donner un coup de pouce à la justice. Elle lui donne tout ce qu’elle a dans ses tripes d’écrivaine, sur un tempo d’enfer, dans un décor où pas un crachat ni un juron ne manque. Elle nous embarque dans cette mauvaise spirale dont Harley ne semble pas pouvoir sortir entière. A moins que, se prend-on à espérer, sous le charme…
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