o n  l  a  v u
Attention: pépite méconnue
  The Good Fight  
Résistance cathodique

 

Plan fixe. Visage. Face caméra. Une femme personnifie la sidération. Hypnotisée par ce qui se joue devant elle. Et devant le monde entier. « I Donald John Trump do solemnly swear that I will faithfully execute the office of president of the…” « Moi Donald John Trump jure solennellement d’exécuter fidèlement la fonction de président des… » Ce qu’elle voit, elle n’y croit pas plus que le reste du monde. L’Amérique vient de tourner radicalement la page Obama. Elle s’est livrée aux ultra conservateurs. Réflexe de survie, Diane Lockhart se réfugie dans le déni. Elle coupe la télé, quitte son canapé, jette la télécommande et sort du cadre.

Tout ce qu’il y a de hors-norme dans « The Good Fight » est déjà là. En trente et une secondes de télévision, Michelle et Patrick King, le couple de créateurs, jouent cartes sur table. Ils ont un agenda. Ils vont faire avec leurs armes et sur leur terrain. C’est-à-dire avec des mots et à la télé. Ce qu’ils vont dire des quatre années qui commencent avec l’inauguration ne va pas être simple à vivre pour les républicains. Mais, après tout, ils ont désigné puis fait élire leur candidat. Ils vont devoir l’assumer. « The Good Fight » ou le principe de responsabilité. « The Good Fight » comme une forme de résistance cathodique.

Créée en 2017, onze mois seulement après l’investiture de Trump, la série met sur la table tous les scandales qui ne l’ont pas empêché d’être élu. Et elle commente depuis trois saisons, et presque en temps réel, les épisodes successifs de son mandat. Avec une puissance qui va crescendo et une férocité qui en fait la série la plus politique du moment.

Sa grande force ? La maestria créative de ses scénaristes/producteurs. Ils savent faire de la télé. Ils savent divertir. Ils ont la science des personnages. Ils ont pour eux un capital audience considérable. Ils ont notamment fait les belles heures de CBS avec « The Good Wife », la série mère dont « The Good Fight » est une déclinaison. C’est d’ailleurs avec l’une de ses figures iconiques qu’ils vont livrer bataille. L’avocate Diane Lockhart, fabuleuse Christine Baranski, comptait couler des jours de retraite heureux dans une propriété en Provence. Au début de la saison 1, elle se découvre ruinée par un schéma de Ponzi. Dommage pour elle. Tant mieux pour nous. Car dans les firmes de Chicago, on n’a pas la fibre compassionnelle, pas une ne veut d’elle. Sauf Reddick Boseman, un cabinet d’avocats noirs. Ce qui ne doit rien au hasard car la question de la race est l’un des thèmes majeurs de la série. Une façon de demander si l’Amérique post raciale d’Obama n’a été qu’un mirage ? Les King ne le pensent pas. C’est absolument évident. Il suffit de fréquenter leurs personnages principaux. Un melting pot de femmes brillantes, indépendantes. Complexes. Fortes professionnellement. Plus fragiles sur le terrain personnel. Diane Lockhart, Lucca Quinn, Maia Rindell, Marissa Gold, c’est nous. Enfin, une version fantasmée de nous. Les King nous tendent un miroir bienfaisant. Celui de la sororité. Ce faisant, ils proposent une alternative transcendante au névrotique « Dis moi que je suis la plus belle » qui renvoie à la télé-réalité donc à la consécration du nombrilisme et à l’élection impensable…

Marianne Levy

The good fight
Amazon Prime vidéo. Trois saisons disponibles.

 

 

 
 
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