Cauchemar
Paul Cleave

traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau
Sonatine
novembre 2019
415 p.  22 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Course contre la mort

On s’était attaché au Paul Cleave d’«Un employé modèle» (2010), « Un père idéal » (2011) et « Ne fais confiance à personne » (2017). Cet auteur si habile à se glisser dans la peau de faux innocents qui se révélaient de vrais psychopathes. Il appartient maintenant au passé. A l’étroit dans le cadre de sa chère Nouvelle-Zélande, redoutant de raconter la même histoire une fois de trop, le romancier de Christchurch a décidé de changer de décor, de registre et de ton. Une remise en question assumée et courageuse, tant son précédent livre, brillante construction autour de la maladie d’Alzheimer, était une réussite. Avec « Cauchemar », le dépaysement est total puisqu’il nous entraîne dans une petite ville imaginaire de l’Ouest des Etats-Unis, archétype du patelin perdu des fictions à suspense. Le changement de style est radical aussi puisque l’intrigue se lit au premier degré, linéaire et brutale. Le narrateur est un ancien policier du coin, chassé pour son coup de poing trop facile et qui revient pour tenir une vieille promesse. Il est parti sur une affaire jamais résolue, l’enlèvement d’une petite fille qu’il avait sauvée sans pouvoir identifier ses ravisseurs. Son ex-femme l’a rappelé parce que la victime, devenue adulte, a de nouveau disparu et qu’il avait juré d’être toujours là pour elle. Paul Cleave entre en douceur sur cette trame de thriller presque trop simple et classique. Chacun a refait sa vie, la nostalgie affleure, les regrets ne sont pas loin. L’ex-flic castagneur ne se demande pas très longtemps s’il avait eu raison de s’en aller et s’il a bien fait de revenir. Entre ses ennemis d’hier et ceux qu’il se fait très vite, sa hargne et sa violence contenue trouvent à s’exprimer. La surprise n’est pas seulement de voir l’auteur s’aventurer sur ce terrain de l’action à haute intensité, où s’enchaînent bagarres et poursuites, planques et guet-apens. C’est également qu’il y soit terriblement efficace. Sans finasseries et sans facilités. A mesure que son héros approche du but et devine à quoi il a affaire, on est happé par sa course contre la mort. Il cogne, on cogne avec lui. Aussi primaire que ça. Jusqu’à une fausse fin qui referme les portes et clôt les interrogations. Et une vraie fin qui, elle, relance le malaise. Paul Cleave a changé, mais pas tant que cela.

 

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