2862 titres au compteur en ce début d’hiver 2013. Cela commence à compter. Cela fait aussi peut-être un peu lourd. « La Fille de la pluie » de Pierric Guittaut, nouvel avatar de la Série Noire, ne restera sans doute pas dans les annales de la célèbre collection dont le titre a été trouvé par Jacques Prévert himself et portée aux nues durant les années 40-50 par l’ancien surréaliste Marcel Duhamel et surtout – il ne faut pas l’oublier- par le cinéma.
Ce 2862ème polar de la SN certes a le mérite de renouer avec la ruralité, ce que la collection n’a pas fait souvent dans ses pérégrinations, mais a tendance à s’embourber dans les chemins de traverse et pierreux des environs de Nantes. On est loin du désert de sable de « Zulu » imaginé en 2008 par le Breton Caryl Férey et revisité ces jours (plutôt bien) par la caméra de Jérôme Salle.
Pour revenir à nos cochons (la chasse aux sangliers est souvent évoquée dans « La Fille de la pluie »), Pierric Guittaut a manifestement lu Simenon, voire Marcel Aymé. Il a imaginé une intrigue à la fois touffue et bateau, sombrement mélodramatique, comme il se doit. Une sorte de saga familiale doublée par la faillite du mariage du héros. Celui-ci, prénommé Hugues, clerc de notaire de son (mauvais) état, a été envoyé à la campagne par son patron pour boucler une affaire de succession, mais il tombe en panne dans la nuit tombante et sous une pluie battante. Dans le halo de ses phares passe une sorte de fée, « la fille de la pluie », dont il tombe amoureux. Puis il est miraculeusement secouru par un jeune paysan, qui se trouve être à la fois le petit ami et le demi-frère de la beauté nocturne.
Ayant dû laisser sa voiture en réparation dans le coin, Hugues revient pour récupérer le véhicule. Et toujours fasciné par « la fille de la pluie », il finira par y laisser sa peau. Sombre et peu crédible drame pseudo paysan ! Le lecteur a l’impression d’être comme « déplacé » à la sortie de la guerre 39-45 aux trousses d’une hypothétique « jument verte » et non pas de vivre au 21ème siècle dans l’extase d’internet ! De plus, l’écriture souvent hâtive, voire scolaire, de ce mélo rend sa lecture pénible. Ce n’est pas une première ! La Série Noire, si elle a abreuvé le cinéma en histoires, a aussi péché formellement. Elle a été souvent écrite avec les pieds ou traduite avec de gros sabots. Pour un Robin Cook, lancé au début des années 80 par la SN et son directeur d’alors Robert Soulat, pour la formidable et inquiétante « Danse de l’ours » de James Crumley en 1985, combien de navets SN ont encombré les rayons des librairies ? A vue de nez et sans grand risque de se tromper, une bonne moitié du catalogue. Le nouveau directeur de la collection, Aurélien Masson (il a succédé au romancier Patrick Raynal en 2005), ferait bien d’ouvrir l’œil. Il doit en avoir la capacité puisqu’il a publié « Zulu »…