Avec « Demain, j’étais folle », Arnhild Lauveng nous invite à une traversée de la schizophrénie même si donner une définition stricto-sensu de cette pathologie est réducteur. Car cette maladie, comme le rappelle dans sa préface le psychiatre de Sainte Anne, Christophe André, « regroupe un sceptre de difficultés multiples ». Il y en a autant de schizophrènes que de patients. Et les symptômes varient selon chacun.
Ce récit chronologique démarre avec les premières manifestations ressenties par une Arnhild âgée de 14 ans. Envahie par la solitude, cette bonne élève à l’école, se sent bientôt incapable de communiquer avec autrui. Traverser une rue lui semble pratiquement impossible, le trottoir devenant « un précipice sans fond où je me tuerais si je tombais. » Les troubles s’intensifient et progressivement l’univers dans lequel évolue l’adolescente perd tout sens. Elle ne parvient plus à expliquer ce qui lui arrive, doute de son existence, entend des voix comme celle impérieuse du Capitaine qui lui intime l’ordre de se frapper, de réduire sa nourriture. Viendront ensuite les hallucinations, l’automutilation, les internements et les tentatives de suicide.
Avec pudeur et précision, l’auteur met des mots sur les perceptions incompréhensibles qu’elle ressent, les comportements qu’elle adopte, sur ces années douloureuses où elle expérimente auprès du personnel médical –médecins, infirmiers- écoute ou maladresse. La lecture qu’elle donne de sa pathologie rend la schizophrénie intelligible même si les symptômes, comme elle le souligne, « sont un langage propre dont seul le patient détient la clé du décodage ».
Ce témoignage résolument optimiste livre deux leçons.
La première : qu’un schizophrène, avant d’être un malade mental est une personne, sensible comme tout un chacun aux émotions et sentiments humains avec laquelle il est possible voire recommandé de discuter. Expliquer traitement, posologie et effets secondaires des médicaments s’avère indispensable car « la contrainte si elle est nécessaire, engendre lorsqu’elle est administrée sans respect ni considération des dégâts graves et durables. »
La seconde, porteuse d’espérance : que cette pathologie lourde n’est pas incurable. Certains, certaines comme l’auteure peuvent en sortir. Qu’Arnhild Lauveng ait eu en elle les ressources propres à cette « renaissance » est certain. Elle s’est toujours refusée à « apprendre à vivre avec ses symptômes » préférant croire à un avenir peut être utopique où elle deviendrait psychologue. Cet espoir lui a permis de réaliser cette aspiration au terme d’un cheminement douloureux. « L’espoir même lorsque que tout semble impossible fait des miracles. » Le parcours d’Arnhild Lauveng l’illustre parfaitement.