Le premier roman en partie autobiographique de cette auteure canadienne commence avec un suicide dont l’héroïne est le témoin. Avec un rythme narratif très maîtrisé et une écriture visuelle qui évite tout pathos, Annie Perreault dépeint le bouleversement et la perte de soi de la spectatrice involontaire du drame. Femme disparue, en fuite ou courant après le souvenir, elles sont trois à évoluer dans une brume qui ne se dissipe jamais totalement.
Eté 2009, Claire Halde, son mari et leurs deux enfants passent quelques semaines de vacances en Espagne sur la côte méditerranéenne. La famille québécoise flâne sur le toit terrasse d’un hôtel valencien quatre étoiles : pendant que les enfants et leur père s’ébattent dans la piscine, Claire est allongée sur un transat. Soudain, dans son champ visuel apparaît une femme blonde, pâle, mince, poignets bandés ensanglantés, qui lui tend son sac à main avant de se diriger vers le parapet et de sauter dans le vide. Ce suicide qu’elle n’a pas su empêcher marquera Claire à jamais, et malgré le retour à la vie normale, des sentiments de culpabilité et d’angoisse mêlés l’éloignent peu à peu de sa famille. Six ans plus tard, toujours hantée par la suicidée du Valencia Palace, Claire décide de refaire exactement le même voyage, mais seule cette fois. Enfin, à vingt-deux ans, sa fille Laure se retrouve à son tour dans cette ville de Valence pour courir un marathon. A l’écoute de son souffle, entre concentration intérieure et conscience du dehors, les souvenirs affluent, ponctués par les kilomètres.
« Valencia Palace » est un beau roman qui interroge à la fois la capacité d’empathie et l’impact post-traumatique des drames extérieurs. L’écriture du détail joue avec le temps, l’étire ou le ramasse, et lui donne sa juste valeur dans l’exercice de la course à pied, véritable mise à l’épreuve de la douleur et dérivatif à la souffrance.