o n l a v u Depuis « Le Guépard », on sait qu’il faut que tout change pour que rien ne change. « 1994 » ne dit pas autre chose. Elle confirme. Tout a changé mais rien n’a changé. Fait nouveau, la série nous apprend que ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. Le troisième volet de la trilogie italienne débute sur OCS. Il conclut de la plus belle manière possible une série politique dans tous les sens du terme. Bien plus qu’une simple illustration des premières années Berlusconi, elle s’intéresse aux racines du populisme. Un parti pris qu’elle travaille très intelligemment en mêlant la grande histoire à la petite. Au cœur de cette ultime saison, l’opération « Mains propres » qui menace le mandat d’un Berlusconi fraîchement arrivé au sommet de l’Etat. Quand nombre de fictions se retranchent derrière l’ultra réalisme pour traiter de la chose publique, « 1994 » embrasse le romanesque avec un culot rare à la télé. Elle fait confiance à ses personnages. Et ne les cantonne jamais dans des rôles de pantins qui s’agitent dans des faits qui ont bien existé ou auraient pu. « Une nouvelle république naît » nous promettent les créateurs pour définir leur dernier terrain de jeu. Cet avènement nous le vivrons à travers les destins de Veronica, ex starlette de la télé et jeune élue au parlement, Léo, l’un des communicants du magnat Italien et Pietro, figure de la Ligue du Nord. Chacun incarne l’un des visages d’une Italie désabusée. Une Italie bling bling où la seule voie possible semble être celle de l’individualisme. Deux points communs les unissent. D’abord, ni l’éthique, ni la morale ne font partie de leur système de valeur. Ensuite, ils aimeraient ne pas s’aimer. Mais à leur façon, ils forment un trio amoureux. Loin d’être seulement une stratégie de séduction scénaristique, leurs atermoiements sentimentaux figurent un combat intérieur entre ce qui est et ce qui devrait avoir été. Comme une métaphore des ravages causés par le cynico-pragmatisme, terrain fertile des démagogues. Ni mièvre, ni moralisatrice, « 1994 » est forte car elle fait de la zone grise sa matière première. Bien sûr, elle n’épargne personne. Mais elle se garde de sombrer dans le didactisme ou le manichéisme. Elle se cale sur le rythme cardiaque de ses personnages qui illustre celui d’un système politique à bout de souffle. Elle suggère que la démocratie italienne meurt de ce qui devrait faire sa force. On pense évidemment au « Meilleur des mondes » dans lequel Aldous Huxley imaginait la toxicité du divertissement ad nauseam. Parfaitement dirigés, les comédiens Miriam Leone, Stefano Accorsi et Guido Caprino excellent dans la partition de l’ambivalence et de l’ambiguïté. Les quatre derniers épisodes réalisés par Claudio Noce n’ont rien à envier aux séries de référence comme « Mad Men ». Rigoureuse mais incroyablement libre la caméra capture magnifiquement une époque de désillusion.
|
|