o n l a v u Avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Mais aussi, et surtout, on écrit des histoires. Car l’expression naphtalinée est l’outil de base des conteurs. Et avec des si, on a fait aussi l’une des mini-séries qui marquera l’année 2020. « The plot against America » adaptation du roman éponyme de Philip Roth débute le 16 mars. Elle est signée par l’un des maîtres contemporains de la narration sérielle, le créateur David Simon. Avec des si, nous raconte-t-il, le monde occidental serait peut-être encore aujourd’hui un vrai cauchemar. Il met en scène une Amérique où le héros national et nationaliste, Charles Lindbergh, aurait battu Roosevelt à la présidentielle. Un dirigeant américain aux sympathies nazies qui modifierait dramatiquement la physionomie de la première puissance démocratique dans les années 40. A travers le quotidien d’une famille juive de la classe moyenne, Simon se pose en observateur de la désintégration à feu doux des valeurs fondatrices de son pays. Les Levin font shabbat histoire de se mettre tous à table pour se raconter leur semaine le vendredi soir. Mais les Levin se définissent surtout comme des citoyens américains. Peu à peu, ils vont assister impuissants à leur ghettoïsation. D’abord mentale puis, évidemment, physique. Chacun de ses membres le vivra différemment. C’est l’une des forces de la mini-série. Comment réagit-on quand les libertés fondamentales sont remises en cause ? Peut-on raisonnablement espérer faire du populisme un moindre mal ? Après la phase de sidération vient celle du choix. Les Levin se divisent donc. Le père prend la parole parce qu’il a confiance en l’Amérique. Le frère, lui, choisit de s’engager aux côtés des forces canadiennes qui combattent le nazisme. La sœur tente de sauver sa peau en vivant un sordide conte de fées avec un rabbin convaincu que collaborer est la solution. La vague terrible d’antisémitisme qui s’abat ne fera pas que menacer la communauté, elle séparera également les Levin. La réalisation très classiquement soignée comme un ensemble de comédiens remarquables, dont Winona Ryder, John Turturro et Zoe Kazan, donne une puissance supplémentaire au propos. Car à travers eux, on le comprend rapidement, c’est de nous que parle David Simon. De toutes les minorités menacées. De tous les majoritaires qui choisissent de se taire ou de protester. Des années 2020 qui en rappellent d’autres. A l’image du visuel magnifique de la mini-série. Une famille qui observe le drapeau saigner. Comme un puissant révélateur d’intention. Roth en 2004 avait écrit son roman sous Bush pour dire ses craintes. Simon signe sous Trump une série qu’on lui avait déjà proposée mais qu’il avait refusée. Lui a choisi son camp. Il a décidé de prendre la caméra et de parler. Marianne Levy |
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