La vie princière
Marc Pautrel

Gallimard
Folio
août 2019
79 p.  5 €
ebook avec DRM 4,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

C’est mon libraire qui m’avait mis ce livre dans les mains (j’ai l’impression de parler d’une époque reculée où l’on entrait dans les librairies choisir des livres…. J’arrête, ça va me faire chialer…)
Bref… Il m’avait prévenue : c’est une histoire d’amour mais il ne se passe rien. Pas de souci, moi qui ai été élevée au biberon flaubertien, le « rien » dans les romans, ça me va parfaitement… à condition quand même que l’écriture soit là…
Bon, alors, cette Vie princière ? 79 pages, c’est vite avalé. Le sujet : un écrivain participe à un séminaire où il est censé étudier, lire, assister à des conférences… le tout dans un cadre idyllique appelé « Le Domaine » (ça aide, les beaux paysages dans les histoires d’amour… et les longues soirées bien arrosées sur des balcons qui dominent la vallée aussi…) Un soir, notre écrivain rencontre une universitaire : belle, pas trop vieille ni trop jeune non plus… du genre (je n’ai pas dit « genre ») j’ai de l’expérience, un peu de vécu, avec un corps qui tient encore la route… Bref, tout pour plaire donc. En plus de ça, elle est italienne, dynamique, joyeuse, drôle, elle travaille sur « la figure du Christ chez les auteurs du XXe siècle » (elle fait ce qu’elle veut!), parle couramment un certain nombre de langues, elle est cultivée, spirituelle, à l’écoute et fascinée par cet auteur-narrateur ( en tout cas, c’est ce qu’il dit!)…
Lui, à vrai dire, on ne sait pas trop à quoi il ressemble ni ce sur quoi il travaille. Pas contre, il est nul en langues et donc épaté par la belle Italienne. (Je peux le comprendre.)
Donc, ils se rencontrent… Évidemment, il ne tombe pas amoureux d’elle immédiatement (j’en connais d’autres : « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice etc, etc…), puis finalement, la trouve pas si mal (ah, le charme…) et, c’est parti, le sentiment amoureux s’empare littéralement de sa personne et… et… Là, il n’y a plus grand-chose à faire, comme vous le savez : on a des ailes, on n’a plus faim et l’absence de l’autre est une torture… CQFD…
Sauf que… Y a un souci… Madame a déjà un compagnon… C’est embêtant… Certains s’en arrangent, pas d’autres, et l’on sent que notre narrateur s’en serait bien arrangé.
Unité de temps (trois jours), de lieu (un coin de paradis dans un coin du Sud certainement – cf la végétation … qui n’a rien à voir avec celle que je vois de ma fenêtre), unité d’action (la voir, la revoir encore et encore)…
Discussions, balades, dîners (eh les gars, on s’inscrit où???), rediscussions, rebalades, redîners (pas de courses ni de cuisine à faire, c’est soit servi en salle, soit livré dans la chambre…) Mais on s’inscrit oùùùùù ??? (J’aurais dû pousser jusqu’à la thèse… mais qui paye ces séminaires au fait ? L’Etat ? Ou chacun paye sa part ? Bon allez, je ne vais pas faire ma râleuse, ce serait complètement déplacé dans ce genre de chronique – mais bon, je suis sûre qu’il doit y avoir des abus dans ces rencontres universitaires…) Voilà le programme… Et l’histoire…
L’écriture ? RAS. Calme plat. (J’aurais – peut-être – pu en faire autant – ben, fais-le alors, pauvre idiote, il en a vendu des bouquins lui, au moins, ça rapporte…)
Alors quoi, il m’a dit des conneries mon libraire ???
Ben non… Et vous savez pourquoi ? Parce que ce petit livre de rien du tout et cette histoire qui ne paye pas de mine, qui n’a l’air de rien, eh bien, elle me trotte dans la tête, des images me reviennent, souvent, très souvent même, des petites phrases très justes comme « Parler avec toi, être à côté de toi, me semble une expérience surhumaine, et pour ainsi dire divine. » Parce que oui, c’est exactement ça l’amour, un truc incontrôlable qui te change la vie, qui fait que tu ne te reconnais même pas toi-même, que tu te trouves con(ne) mais que t’y peux rien, que si l’autre est là, alors la vie est belle et que s’il est absent ou avec quelqu’un d’autre, alors ce que tu ressens, c’est à peu près ça (de l’ordre du traité de décomposition) : « je prends mon crâne inerte à deux mains…, je le repose sur mon cou, je l’enfonce, je le visse, j’ai une tête morte sur un corps de vivant, je dissimule mon état, je continue de sourire… » Exactement ça… Et je m’aperçois que les images de ces deux-là se baladant parmi les oliviers, discutant, riant dans une espèce de légèreté absolue, de fluidité, de bien-être complet, total, eh bien oui, Marc Pautrel l’a parfaitement exprimé. Pas de grandes phrases, pas de longs commentaires, juste quelques pages qui nous font sentir (c’est toujours le même mot qui me revient, alors je l’utilise encore une fois) ce sentiment inouï et forcément fugace de légèreté, de grâce et certainement de bonheur…
Merci mon libraire…

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