La chaîne
Adrian Mckinty

traduit de l'anglais par Pierre Reignier
mazarine
thrillers/polar
mars 2020
400 p.  22 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Les Uber du kidnapping

Il faut être gonflé pour bâtir un roman sur une histoire de rapt d’enfants. Les vrais sont toujours traumatisants et ne se terminent pas toujours bien. Adrian McKinty a osé, encouragé par son agent et parrainé par Don Winslow, et il a bien fait. Il est vrai que ce jeune écrivain nord-irlandais, qui vit aux Etats-Unis, a un passé de critique littéraire. Il a forcément lu autant de mauvais livres que de bons. Il a fait l’expérience du scabreux, du mauvais goût… chez les autres. Il sait donc jusqu’où lâcher la bride à sa propre imagination. Il sait aussi comment ne pas s’arrêter à une bonne idée initiale, et la retravailler. Celle de « La Chaîne » lui est venue lors d’un séjour au Mexique, pays où des gangs prospèrent sur les enlèvements contre rançon. Ce fond de réalité rend son scénario crédible, aussi fou soit-il. En le transposant dans une banlieue de la côte est des Etats-Unis, dans un milieu rassurant, supposé protégé, il l’a encore dramatisé. Avec un degré de raffinement ajouté à l’horrible chantage : la pauvre mère divorcée dont la fille adolescente a disparu doit, si elle veut la revoir, non seulement payer l’argent qu’on lui réclame, mais aussi kidnapper à son tour un autre enfant. Dont les parents devront faire de même. Et ainsi de suite… On est au-delà du suspense, dans l’urgence extrême. Les ultimatums s’enchaînent, le moindre écart est puni. À chaque instant, on se demande jusqu’où peut aller sous la menace cette femme aimante, dévouée, rationnelle. Sans doute très loin. Avoir une arme chargée à portée de main, infliger des souffrances à des gens aussi sympas que soi… tout cela s’apprend vite dès lors qu’on n’a pas le choix. Et le duo mère-fille de ce livre a de la ressource. Dans un style sec, nerveux, elliptique, relevé d’un humour noir très britannique, Adrian McKinty leur impose un rythme d’enfer sans perdre des yeux la logique des bourreaux, ses « Uber du kidnapping » comme il les appelle. Au passage, petite note morale qui fait réfléchir, il montre à quel point les réseaux sociaux facilitent la tâche des criminels quand leurs proies y étalent minute par minute leurs moindres habitudes. C’est l’unique message de cette belle mécanique dont on tourne les pages en retenant son souffle. A Hollywood, les studios Paramount ont flairé un bon coup et acquis les droits d’adaptation du livre contre un chèque à sept chiffres. C’est dire.

 

partagez cette critique
partage par email