o n l a v u « Vous n’êtes jamais une « simple » femme au foyer. Il n’existe pas de travail plus important. » Les mots sont prononcés calmement. Mais les traits de Phyllis Schafly se sont figés. Et son regard s’est glacé. Installée chez le coiffeur avec ses amies, elle patiente pour que sa couleur prenne. L’activisme républicain se porte avec un chignon blond soigné, des robes en tweed clair, trois rangs de perles et six enfants. Nous sommes en 1971. La révolution féministe a débuté. Mais toutes les Américaines ne sont pas pour. Elles auraient pu demeurer dans le camp de l’opposition silencieuse. Cela n’a pas été le cas. Certaines se sont lancés dans un combat à relent d’idéologie ultra droitière. Avec Phyllis Schafly, puissamment incarnée par Cate Blanchett, pour figure de proue. A la tête du mouvement « Stop Era », du nom de l’amendement qui instaure l’égalité des droits, elle est soutenue par une armée de femmes au foyer. Elles obtiendront gain de cause puisqu’elles parviendront à empêcher sa ratification définitive en 1982. C’est cette histoire vraie que raconte « Mrs America », mini-série actuellement en diffusion sur Canal Plus. Une sorte de « Mad Men » des Seventies complètement centré sur les femmes. Un focus sur les figures d’une décennie décisive pour le féminisme. La force de la série est multiple. D’abord, évidemment son sujet. Qui sait de notre côté de l’Atlantique que Phyllis Schafly, morte à 92 ans en 2016, a été un des visages de l’anti-féminisme ? Qui sait que pour certaines le mouvement de libération des femmes a été vécu comme une menace insupportable ? Qui sait qu’elle utilisait un élément de langage bien connu aujourd’hui : « Take our country back » « Reprendre notre pays ». De quoi comprendre l’ADN d’une autre révolution. Celle que les ultra conservateurs mènent aujourd’hui. « Mrs America » doit également sa qualité à une écriture qui évite brillamment les chausse-trappes de la leçon d’histoire. Les personnages y sont aussi incarnés dans leur ambivalence, leurs doutes, leurs failles, leurs renoncements… Rien n’est simple, jamais. Même pour les plus hystériques des idéologues. Contrairement d’ailleurs à leur discours. C’est cette complexité que saisit une mise en scène élégante, précise et moderne pimpée par une somptueuse direction artistique. « Mrs America », c’est enfin la rencontre jubilatoire et importante à l’heure de Me Too d’actrices qui mettent tout leur coeur et leur talent au service du projet. Cate Blanchett, donc mais aussi Rose Byrne, dans le rôle de Gloria Steinem, ou encore Sarah Paulson et Jeanne Tripplehorn… Un together women show ! Marianne Levy 1 saison sur Canal +
|
|