L’histoire de « Calme Plat » repose sur du vent. Un vent qui se fait attendre, se lève ou repart sans prévenir, décidant du sort de deux voiliers égarés quelque part entre l’Amérique du sud et la Polynésie. Leurs cinq passagers sont confinés dans un étrange huis clos en mer, isolés par ces eaux du Pacifique aux accès de colère soudains. Avant d’inspirer le film qui révéla au monde le talent de Nicole Kidman (« Calme Blanc », 1989), cette histoire est d’abord un livre de Charles Williams, le 19e des 22 titres publiés par cet auteur prolifique (« Dead Calm », 1963). Réédité en poche, sous un titre juste plus banal, il a traversé ce demi-siècle intact, porté par sa dramaturgie puissante, par son écriture fluide. De la rencontre fortuite d’un couple très amoureux avec un trio en plein naufrage – au propre comme au figuré – naît une intrigue théâtrale et oppressante, entre Tennessee Williams et Alfred Hitchcock. Les deux amants vont être séparés, chacun sur un des bateaux, et le trio infernal aussi. Entre eux tous, entre leurs voiliers qui se perdent puis se cherchent, il y a un cadavre, la quatrième passagère de l’équipage maudit, tombée à l’eau dans des circonstances troubles. Charles Williams montre comment le couple affronte la distance et les épreuves, provocations, bagarres ou tempêtes. A l’inverse, il dévoile à chaque péripétie les calculs et les secrets qui rongent leurs trois compagnons de malheur. Ni les monologues intérieurs ni les descriptions n’ont pris de rides, les sentiments sont aussi clairement lisibles que les manœuvres de navigation. C’est la force d’un classique. Mais parce qu’il se prête aussi à une lecture métaphorique, « Calme Plat » est aussi un roman noir très moderne, très actuel. Son équilibre et sa richesse sont le Graal de tout auteur.