Betty, Betty, Betty, « fille d’une femme aussi insaisissable qu’un rêve et d’un père cherokee qui fabriquait son propre alcool de contrebande et créait ses propres mythes ».
Betty. Roman merveilleux, enchanteur, ensorcelant. Hommage somptueux d’une fille à sa mère, par ricochet à sa grand mère, surtout son grand père. Un chant magique, une épopée lyrique, féroce, sauvage et sanglante.
Qu’est ce qu’un grand roman? Une sorte d’équilibre secret entre ingrédients connus, zestes d’improbable, quelques écarts calculés. Ou tout autre chose, avant tout la grandeur que lui donnera le lecteur, évidemment. Mais en toute fin, en bout de chaîne.
Dans un premier temps l’auteur(e), ici Tiffany Mc Daniel, son style, son sens des mots et par dessus tout sa volonté farouche d’aimer sa mère, encore une fois, d’écrire sa mère, pour toujours, à jamais.
On ne peut que l’envier : offrir à celle, celui, ceux qu’on place tout en haut, une si belle toile, un si grand tableau.
Tout est bluffant, ici, dans ces 700 pages, tout est plaisir, étonnement, ravissement et dégoût. Tout est vie, vivant. Il y a de la grâce partout, de la fureur dans tout, et l’invraisemblable et rare plaisir que l’on prend à dévaler ce monde là n’a d’égal que l’immense frustration de devoir s’arrêter un moment venu, quand de page il n’y a plus à tourner.
Betty. De prime abord, bon, l’ouvrage d’une fille sur sa mère, ode déjà vue, bon, oui, pourquoi pas. Et puis, première décharge, premier coup de feu, première balle : « Je ne suis encore qu’une enfant, pas plus haute que le fusil de mon père. » Et là, de suite, s’impose la littérature. Parce que le grand roman, qu’on se le dise, n’infuse pas, il claque. Pan!
D’une phrase il est là, point. Le reste, conséquences de la déflagration initiale, ne fait que suivre. Pan! D’un coup de feu l’autre tout s’enchaîne alors sans peine, sans doute, de merveilles en impatiences.
« Mon père est né le 7 avril 1909 dans un champ de sorgho du Kentucky situé sous le vent d’un abattoir. A cause de cela il y avait toujours dans l’air une odeur de sang et de mort. J’imagine que lorsqu’il est apparu tout le monde l’a regardé comme s’il était né de ces deux choses ». Pan! »
« Devenir femme, c’est affronter le couteau.C’est apprendre à supporter le tranchant de la lame et les blessures. C’est apprendre à saigner » Pan!
Betty c’est une histoire de coups de feu. Cherchez le tireur.
Une histoires de coups. De leurs séquelles.
Betty cicatrise.
C’est l’évidence que sans magie la vie ne se supporterait plus. Qu’elle nous est indispensable pour comprendre les étoiles, le ciel, le vent, les arbres, pour les entendre, les voir, les envisager, les enlacer.
Betty ensorcelle.
Les écrits restent. Et c’est ainsi que Tiffany McDaniel est grande.