Les internautes l'ont lu
coup de coeur
Un puits d’humour et d’absurdité
Il n’y a pas là une histoire mais plusieurs, qui s’entrecroisent. Et pléthore de personnages incongrus – ainsi que des animaux exotiques. En toile de fond, la rébellion karen, « une rébellion sans prétention, sans fioritures ni enjolivements », qui n’a rien d’idéologique, et que finance notamment Lord Richard Flanagan, ressortissant d’Ecosse, peintre expatrié. Au milieu des obus qui s’écrasent à quelques kilomètres du camp, Géraldine, Orléanaise trentenaire, nègre de profession – « incarnation littéraire de la taylorisation du monde » -, recueille les propos de Noël Sixte, un notable de Vierzon devenu médecin dans la jungle birmane. Frédéric Gruet dépeint des individus qui se côtoient sans jamais prendre le risque de s’investir les uns vis-à-vis des autres. Des solitaires plus ou moins déterminés, des voyageurs qui se sont trompé de route, des naufragés de l’existence – ne le sommes-nous pas tous ? Il dépeint encore des perroquets et des geckos en regard desquels l’homme, cet animal politique, paraît étrangement indécis – sinon brouillon. Le tout avec un sérieux et une maîtrise qui laissent toute la place à la véritable richesse de L’art de creuser un trou : l’humour. Sarcasme et fantaisie, bêtise et cynisme : on rit, nonobstant les événements dramatiques qui se jouent. C’est l’absurdité du monde que l’écrivain met ici en mots. Ce premier roman étonne avant tout par son rythme. Les obus qui s’écrasent scandent un récit déjà cadencé par les points de suspension entre parenthèses que Frédéric Gruet sème à tous vents. Dans ces brèches incertaines s’engouffrent des heures et des mondes, la part obscure des personnages, et ce qui ne sera jamais révélé des événements ; tout ce que seuls savent les trois singes de la sagesse. En bande-son alternative, le Rat Pack de Vegas, la ville où l’on naît artistiquement le cas échéant. I’ve got you under my skin, King of the road. Le style de Gruet décape. C’est du jamais lu. Son écriture est foisonnante. A partir de chaque élément de son récit, il tire des fils – et il tire de nouveaux fils des premiers, dans une profusion presque infinie, dans laquelle le lecteur pourrait se perdre si l’auteur ne savait très bien pour deux exactement où il va. Retrouvez Sophie Adriansen sur son blog |
|