Ian McEwan signe avec Opération Sweet Tooth un roman d’apprentissage sur fond de guerre froide, situé dans l’Angleterre du début des années 1970. Il y décrit avec réalisme l’ascension puis la chute d’une jeune femme immergée dans les services d’espionnage.
Serena Frome, jolie fille fraîchement diplômée de Cambridge, insouciante quant à son avenir, rencontre par hasard à la fin de ses études un professeur à la retraite, avec qui elle noue une idylle pendant un été. Tony Canning joue le rôle de l’amant initiateur, tant sur le plan amoureux qu’intellectuel : avec lui, cette fille d’évêque anglican goûte les plaisirs délicats, apprend à s’intéresser à l’actualité, à la politique et à l’histoire, elle qui n’avait jusque-là de goût que pour la lecture de romans faciles de ses contemporains. A la fin de ses vacances, elle est engagée comme simple secrétaire au MI5, l’agence secrète de renseignements anglaise. Puis, quelques mois après après son embauche, elle se voit confier une mission par ses supérieurs : sous le couvert d’une fondation culturelle, elle doit convaincre à son insu un auteur encore inconnu d’accepter une subvention en échange de l’écriture d’un roman, usage confidentiel mais courant, qui invite subrepticement les intellectuels à instiller dans le peuple une pensée positive sur le monde occidental et à dénigrer le communisme du bloc de l’Est, qui de son côté emploie de semblables pratiques. Les agents du MI5 voient en Serena l’appât idéal pour attirer un jeune homme comme Tom Haley, ce fameux écrivain prometteur, mais même les officiers les mieux informés ne maîtrisent pas les conséquences de leurs procédés souterrains. Serena se prend vite au jeu de sa double vie, secrétaire des services secrets et amante espionne et clandestine d’un romancier en devenir. L’Opération Sweet Tooth se révèle être un véritable jeu de la vérité que Serena finira par ne plus maîtriser, et dont elle ne sortira pas « indemne », dit-elle dans les premières lignes de ce roman raconté à la première personne.
Dans ce roman d’amour à suspens où le réel rejoint la fiction, pour ne plus faire qu’un, il est question des rapports complexes qu’entretiennent la littérature et les apparences, et du pouvoir que les romanciers exercent non seulement sur leurs personnages mais aussi sur les lecteurs ravis et emportés que nous sommes.
Au milieu des mensonges d’état et du mensonge à l’échelle plus individuelle, qui détient la vérité ? Et d’ailleurs, existe-t-elle seulement ? Le romancier pose les problèmes essentiels du roman et de la liberté des auteurs de tout temps, mettant au jour les tentatives de prise de pouvoir sur les esprits par les institutions qui toujours échouent devant l’imagination toute puissante. Par des mises en abymes vertigineuses, Ian McEwan, conteur-menteur, joue sa partition en virtuose, sans fausses notes, et nous mène par des chemins de traverses à sa propre vérité.