Le Livre
René Belletto

P.O.L
mars 2014
288 p.  18 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

la possibilité d’une illusion

Si en tant que lecteur, plonger en zone d’inconfort voire d’inquiétude ou de malaise peut vous séduire, « Le livre » de René Belletto est pour vous. Voici un roman-enquête, sorte de « Mortelle randonnée » où l’on ne cesse de s’interroger sur le réel et le fantasmé, le sens de la vie, le non-sens de la mort (pour ne pas dire l’inverse) et la création comme ultime recours possible à tous ces questionnements.

Voilà un auteur, à la fois maître d’œuvre, maître du jeu et des illusions qui a le talent de mettre le lecteur en déroute, sans le décourager, tout en lui délivrant ses propres méditations de romancier sur l’invention de la fiction. « Est-ce ma vie toute entière que je rêvais, était-ce moi qui me dictais le songe que j’aspirais à coucher sur le papier? »

Michel Aventin, scénariste, n’a plus de métier. Orphelin de père et de mère, il vient de perdre sa sœur adorée et n’a plus de famille. Sa femme l’a quitté, il n’a plus d’amour. Et enfoncé dans une profonde dépression, plus d’amis. Pris d’une envie de « revenir sur les traces de l’avant », quand sa sœur Elisabeth vivait encore, il se retrouve dans la chambre 18 de la clinique où elle est décédée. Face à lui, un homme mourant, qui semble à son regard l’avoir déjà vu et le fixe avec une haine féroce, infinie. De cet individu effrayant qu’il ne connaît pas, il recevra une lettre énigmatique, signe sans aucun doute de prédictions maléfiques. Alors que ce patient disparaît mystérieusement, Michel Aventin va mener une enquête à la recherche d’un livre dont il ignore tout, le titre et le nom de l’auteur. Un livre qui pourrait tuer, le tuer.

Avec ce roman qui empile les mises en abyme, dont celle d’un livre dans « Le livre », René Belletto joue avec habileté des apparitions et disparitions possibles que lui offre la fiction. Il élabore avec le lecteur une sorte de jeu de pistes et de fausses pistes pour se révéler en tant qu’auteur tout en se dissimulant. Quand il trace une géographie précise des lieux et trajets de son héros dans Paris, c’est pour mieux nous perdre, comme dans un labyrinthe truffé d’impasses. Il nous balade ainsi au volant d’une Dodge Reborn bleu clair: Re-born, Re-né, René. Et c’est à coup d’intempestifs flash-back qu’il bouscule les repères temporels de son texte qu’on lit comme on déchiffre une partition de musique contemporaine. Pas toujours avec facilité, mais la musicalité du style de Belleto est toujours là pour vous emporter.

Et si à la dernière note, lorsque l’on referme ce roman, on a le sentiment de ne pas avoir tout saisi de cette mélodie de l’étrange, sombre et intimiste, il vous reste cependant le doux sentiment d’avoir été plongé dans une délicieuse perplexité faite de jolies inventions et de beaucoup d’illusions qui ouvrent les voies de belles méditations. 

partagez cette critique
partage par email