Caprice de la reine
Jean Echenoz

Les Editions de Minuit
romans
avril 2014
121 p.  13 €
ebook avec DRM 9,49 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Echenoz, roi du style

Tenir entre ses mains le dernier livre de Jean Echenoz est toujours une promesse. Celle d’être ébloui et comblé. Lorsque l’on découvre  sur la couverture de « Caprice de la reine », l’intitulé « récits », on sait que l’on ne sera pas déçu tant l’auteur excelle dans l’art du format court. Déjà en 1988 avec l’inoubliable roman « L’occupation des sols » Jean Echenoz s’était imposé comme un auteur miniaturiste- minimaliste qui raconte «beaucoup» avec «peu». Et comme le dit si bien Pouchkine « Est-ce vraiment meilleur parce que c’est plus long ? »

Beau comme le nom d’un parfum ou celui d’une exquise pâtisserie, « Caprice de la Reine » est le titre de l’un des courts textes de l’ouvrage, et comme Echenoz est joueur, son sens réel n’est pas le premier qui nous saute à l’esprit. Mais nous avons déjà les mots à la bouche. Et nous savons que nous allons nous régaler. Ces récits sont au nombre de sept, chiffre magique comme les sept notes de la gamme, les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Tout un programme. Tout un menu.

 Si l’un des personnages est « collectionneur de ponts comme d’autres collectionnent les aquatintes ou les ennuis », ce thème de la collection qui peut virer à l’obsession, traverse ces courts textes comme un motif qui se répète. On retrouve ainsi : l’Amiral Nelson qui accumule autant de navires et de victoires que d’arbres et de blessures; le jardin du Luxembourg où sont joliment épinglées vingt Dames de France; Hérodote arpenteur de la grandiose Babylone; Gluck, un ingénieur dans l’impatience d’ouvrages d’art à découvrir; les cent parapluies retrouvés chez Eric Satie à sa mort; et enfin l’auteur lui-même à la recherche des meilleurs sec-beurre (sandwichs au saucisson) et des stylo-billes qui ne se rebiffent pas (papeterie angle Trudaine-Rodier dans le 9ème à Paris).  On sent que parfois Echenoz enjolive mais il l’assume, recherchant  le point de rupture, le point d’équilibre névralgique, « D’ailleurs tous les auteurs exagèrent, tous on à cœur de se contredire ».

Détailler l’histoire de chacun de ces brefs récits n’a aucun sens. Il faut préserver la découverte de la magie des mondes d’Echenoz et se laisser impressionner par la qualité de sa vision, de sa palette. Et comme presque tout a été dit de son immense talent « Concision, mélodie, épure, élégance, perfection, éloquence… », à court de mots, j’en appelle à Flaubert pour qui le style idéal est « rythmé comme le vers, précis comme le langage des sciences et avec des ondulations, des ronflements de violoncelles, des aigrettes de feux ». Le style d’Echenoz est bien cela, tout cela, l’expression même du style idéal. Voilà, c’est dit. 

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