Aujourd’hui c’est son dernier jour de travail avant son congé parental de trois ans. Délia a décidé que tout irait bien. Ce soir, elle sera libre. Plus que quelques heures, quelques malheureuses heures, et tout sera fini. Elle se consacrera à ses trois filles, particulièrement à la dernière, à son bébé, à son amour d’amour. Mais avant, il faut affronter cette ultime journée, jongler entre son emploi du temps professionnel et la tempête matinale quotidienne qui sévit à la maison. Biberons, petit déjeuner express, brossage de dents, engueulades de Jérôme.
Elle et lui forment un couple triste à pleurer. De ceux dont on ne comprend pas l’origine. Jérôme et Délia se sont trouvés par hasard, au moment opportun, celui où l’on se dit qu’il faut avancer dans la vie et construire une famille. Cette union s’est fanée bien avant d’éclore. Il en est resté un appartement de banlieue, un emprunt colossal, trois enfants et un quotidien morose.
Jérôme crie sur sa femme, lui reproche sa maladresse et son manque d’organisation, ses pleurs constants. Délia ne répond rien, marmonne. Abîmée par le deuil de son grand frère lorsqu’elle était enfant et minée par la culpabilité depuis ce jour, Délia est devenue docile et mélancolique. Il est temps d’aller au bureau et de dire au revoir aux collègues. Prendre un mauvais café et embarquer l’olivier qui lui sert de cadeau de départ. Mais un grain de sable vient se loger dans la mécanique bien huilée de cette journée banale.
Le bref roman d’Isabelle Marrier est vif et en tension. A un moment donné, le livre bascule et pousse le lecteur dans une angoisse terrible. On n’y tient plus, on espère que la fin ne sera pas celle à laquelle on pense. Ce tout petit rien, cette distraction bête qui pourrait nous arriver et qui ne pardonne pas. Parfois, l’avenir du reste de sa vie ne tient qu’à un détail.
Il fait une chaleur étouffante et Délia doit penser à beaucoup de choses aujourd’hui. A petits pas, la tragédie approche, inexorablement.