Etonnante écriture que celle de Santiago Gamboa! Elle semble en effet constamment osciller entre deux registres presque opposés. D’un côté une écriture bourrée de références et de clins d’œil, qui joue avec les connaissances et les références de ses lecteurs, notamment à travers les noms des personnages. De l’autre, un goût pour un « baroque trash » qui en rajoute dans la crudité, la surjoue jusqu’à l’absurde. Le commun entre les deux étant sans doute le jeu et la farce, au sens du théâtre médiéval, du carnaval, qui ne sont jamais très loin, même au cœur des drames et de la violence qu’il peut dérouler pour nous.
Ce plaisir à jouer avec des écritures et des voix différentes, l’auteur le développe particulièrement ici, nous donnant à lire et entendre (car cela est aussi très marqué par l’oral) des récits rapportés pas des narrateurs singulièrement différents et dont la rencontre semblait bien improbable.
Dans le décor un peu fou d’une Jérusalem envahie par la guerre et les explosions les récits biographiques se croisent lors d’un étrange colloque. Notamment ceux de et sur sur un bien curieux prédicateur. Une nouvelle fois, comme souvent dans l’histoire, la vérité se perd dans les fumées et les décombres, au cœur d’une violence aussi outrancière qu’absurde et paradoxale où la pornographie peut sans complexe s’affirmer comme projet politique et l’ambition comme itinéraire mystique.
Bienvenue dans l’univers breughelien, saturé et violemment contrasté, de Santiago Gamboa!
Necropolis a reçu le Premier Prix La Otra Orilla à l’unanimité à Bogota en 2009.