De mai 1940 jusqu’à la fin de la guerre, de nombreux Français ont écrit à la BBC, un peu comme on jette une bouteille à la mer. Un grand nombre de ces lettres viennent d’être publiées par « L’Iconoclaste » sous le titre « Je vous écris de France ». Il ne faut pas passer à côté de ce livre à la maquette soignée, illustré par de belles photos et de nombreux facsimilés qui racontent la France ou plutôt les Français pendant la dernière guerre.
Ils apparaissent tels qu’ils étaient (qu’ils demeurent ?) courageux, patriotes, souvent confiants dans la France, râleurs et en colère contre Pétain et Vichy. Si, bien souvent, ceux qui écrivent à Londres sont des gaullistes enthousiastes (il faut lire la chanson « Grand de Gaulle, Général nous voilà »), ils ne cachent pas leurs doutes quant à l’avenir politique du pays (« nous aimerions que vous ne disiez pas de mal du Maréchal Pétain », « gare au nationalisme étroit »), et ils sont inquiets de la rivalité entre Giraud et de Gaulle. Et puis, bien sûr, ils s’interrogent sur le rôle à venir des Anglais qu’ils admirent, mais dont, souvent ils se méfient.
On réalise aussi à quel point le quotidien est difficile, et à la lecture de certaines lettres on sent venir les règlements de compte qui suivront la libération avec la dénonciation des collabos, des trafiquants, des « convertis de la 11e heure » et le mépris fielleux pour ces femmes qui pratiquent « la collaboration horizontale », dont on entrevoit déjà les crânes rasés.
Mais ce qui demeure, une fois ce livre refermé, c’est la sincérité, la spontanéité et l’émotion qui émanent de toutes ces lettres dont la plupart sont formidablement bien écrites : « Hâtez-vous, hâtez-vous, nous ne tenons plus. Venez au plus vite sinon vous risquez de débarquer dans un pays où il n’y aura plus que des fous, des morts et des agonisants. »