La fin de la saison des guêpes
Denise Mina

traduit de l'anglais par Freddy Michalski
Le Livre de Poche

552 p.  7,90 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

une nouvelle reine du crime

La monarchie britannique du crime ne s’endort jamais. Derrière une Agatha Christie immortelle (1,7 millions d’amis sur Facebook) et une PD James toujours verte, les quadras-quinquas frappent très fort aux portes du Palais des Reines. Après l’Anglaise Mo Hayder, 52 ans, couronnée aux Etats-Unis par un Edgar en 2011, l’Ecossaise Denise Mina, 48 ans, est venue à son tour bousculer la hiérarchie.

Auteur multi-talents (roman, théâtre, BD), femme de caractère, nourrie de ses tours et détours de jeunesse, elle s’approprie les codes du genre pour les revivifier, comme le confirme « La fin de la saison des guêpes », son dixième roman, le sixième publié en France. Une enquête de procédure a priori classique, mais qui se révèle imprévisible et se joue des clichés de bout en bout.

Après la journaliste Patricia Meehan (« Le champ du sang » en 2007, « La mauvaise heure » en 2009, « Le dernier souffle » en 2010), Denise Mina s’est créé un autre double de papier, le sergent Alex Morrow. Comme il se doit, c’est une coriace au coeur tendre. Mais sa personnalité est infiniment plus complexe, plus fouillée, plus nuancée que dans la moyenne des polars. Sa jeunesse dans le Glasgow pauvre, son frère truand et son enfant disparu sont autant de cicatrices ouvertes, son empathie naturelle une faiblesse qu’elle travestit sous des dehors abrupts.

Ici, le lecteur assistant aux prémices du meurtre initial, l’intérêt n’est pas tant d’identifier un coupable que d’observer Alex. La voir se débattre avec ses collègues amorphes et ses souvenirs douloureux, cheminer avec son gros ventre où s’agitent des jumeaux déjà toniques. Une enquêtrice endeuillée et enceinte qui bouscule une brigade sexiste et désoeuvrée : le féminisme du propos est assez catégorique. L’auteur le rend pertinent en investissant autant dans chacun des autres personnages que dans cette héroïne « sur-humanisée ». Elle y ajoute une dimension sociale : Alex est aussi l’élément « neutre » de ce choc de classes que toute fiction british garde en toile de fond.

Primé en Suède et au Royaume-Uni, « La fin de la saison des guêpes » a installé Denise Mina dans le gotha international du roman policier. En attendant qu’elle rencontre en France une audience digne de son talent.

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