Blond cendré
Eric Paradisi

JC Lattès
août 2014
205 p.  18 €
 
 
 
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coup de coeur

Un roman gorgé de vie

Ce roman est un chant, une prière obsédante adressée à l’homme aimé. De l’au-delà descend une voix, celle de Flor. Elle lui dit tout son amour et lui raconte l’histoire de son grand-père Maurizio ; sa passion pour Alba, la route chaotique qu’il a dû emprunter, sa confrontation avec l’horreur, son frôlement avec la mort et sa paire de ciseaux qui l’a sauvé plus d’une fois.
Le récit de Flor débute dans les années quarante à Rome. L’Italie est entre les mains de Mussolini, l’armée allemande est en marche… Maurizio vit dans le guetto, il est juif. Issu d’une famille de coiffeurs, il a naturellement pris la suite. Fougueux et impétueux, il aime la vie. Son regard croise un jour celui d’Alba, une femme un peu plus âgée que lui. Fervente communiste, elle fait partie de la résistance, elle transmet des messages, bravant sans cesse la mort. Elle est belle, Alba. Une longue chevelure d’un blond cendré repose sur ses épaules.
Ces deux-là s’aiment et ne se quittent plus… Et puis c’est la rafle. Ils sont arrêtés chez elle, dans son appartement. Maurizio est déporté à Auschvitz. Quant à Alba, on ne sait pas ce qu’elle devient. Il découvre avec effroi le camp et ses cheminées qui crachent leur fumée grise. Dans sa tête, l’image d’Alba lui apparaît sans cesse, il revoit ses boucles blondes et son sourire. Cet amour si fort qu’il éprouve pour elle le porte, l’aide à tenir, à garder espoir. L’air se raréfie, mais il respire encore.
Flor aussi manque d’air, une fumée dense a envahi son appartement… un incendie… elle est sur son canapé, c’est l’asphyxie. Mais, son amour lui, il est encore là, l’oxygène continue d’entrer dans ses poumons. Il est vivant. Et de sa voix vibrante lui crie de vivre, de ne pas être triste, de continuer à regarder les fleurs pousser, tout n’est que vie autour de lui.
Maurizio survivra à la guerre. Grâce à ses ciseaux, il deviendra coiffeur et barbier pour les officiers. Puis on lui confiera une mission ; devant lui des corps empilés, des cheveux en cascades… trésor de guerre, commerce de la mort… Maurizio est effondré mais l’amour le transcende.
Fin des atrocités, le grand-père de Flor rentre d’abord chez lui et puis s’en va, part pour un ailleurs, pour débuter une nouvelle vie, pour tenter de chasser les images terribles qui le poursuivent. Il s’installe à Buenos Aires, en Argentine. Et toujours dans ses bagages, Alba. Sans elle, il n’aurait pas pu aller aussi loin. Elle est son guide, sa raison de vivre. Il deviendra un grand coiffeur, spécialiste des colorations, essentiellement des nuances de blond. Il rencontrera une femme, se convertira au catholicisme pour elle, aura des enfants…
Un roman poignant, dur mais jamais pathétique. Un roman de cendre et de flammes traversé par la douce fragrance du jasmin. Et par-dessus tout, un roman gorgé de vie mené par une écriture sensible et onirique. L’entrelacement de deux récits, deux histoires, deux époques, deux liens qui s’unissent pour nous dire l’amour, la mémoire, la transmission, l’héritage. Je termine par les mots de Jankélévitch, en épigraphe de ce livre  » Si la vie est éphémère, le fait d’avoir vécu une vie éphémère est un fait éternel « .
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