Ce roman est un joyau. Il en a l’éclat, toute la dureté aussi. Car si « En ce lieu enchanté » débute comme un conte avec des chevaux d’or caracolant dans les profondeurs de la Terre, des grisegoules gesticulant, une chambre des lianes, il se déroule en fait dans le couloir de la mort d’une prison américaine.
Seul le narrateur semble en percevoir la mystérieuse beauté. Lui aussi attend son exécution. Depuis son crime, il ne prononce plus aucune parole. Qu’a-t-il commis ? La révélation ne sera dévoilée qu’à la dernière page. Reclus dans sa cellule du « donjon », l’homme écoute, regarde et accompagne le lecteur dans cette étrange déambulation de l’univers carcéral. S’y croisent les gardiens, les prisonniers et parmi eux les caïds, la lumineuse « dame », enquêtrice chargée de la révision des dossiers des détenus, le prêtre « déchu » et le directeur. Et parmi ceux qui attendent leur dernière heure, il y a Stricker, York et Arden, celui dont le simple nom provoque l’effroi, « le monstre de la prison ».
Qu’ils se trouvent d’un côté ou de l’autre des barreaux, les protagonistes ont tous leur part d’ombre et de grandeur, tous ont connu des abus, des morts, des viols. L’existence n’en a épargné aucun. Pourtant, de ces drames éclot parfois une grâce, car la déchéance n’est pas inéluctable, l’espérance habite les âmes, même les plus noires.
Dans ce premier roman éblouissant, Rene Denfeld offre un regard singulier sur la prison et ceux qui s’y côtoient. Pas d’empathie pour ces condamnés, aucun plaidoyer non plus pour l’abolition de la peine capitale, l’auteur s’abstient de tout jugement. Inspirée par son travail d’enquête sur les établissements pénitentiaires, la journaliste raconte juste la violence qui broie les êtres, la souffrance qui asphyxie, le mal tapi à l’intérieur de chacun mais aussi la lumière qui irradie et peut sauver. Un souffle d’une rare intensité, une humanité sans faille baignent ces pages servies par une plume poétique.