Pour être tout à fait sincère, je n’avais aucune envie d’ouvrir « Ça s’est fait comme ça ». L’autobiographie de Gérard Depardieu, et puis quoi encore! Ces dernières années, on a frisé l’overdose avec ses frasques en tous genres. Et l’ouvrage avait beau être écrit en collaboration avec Lionel Duroy, le « nègre » le plus chic de Paris, cela ne me tentait pas. Et puis le buzz a fait son métier de buzz, et il se disait que c’était un récit étonnant, sincère. Alors, pourquoi pas ? Ce qui frappe d’abord, c’est qu’on ENTEND Depardieu. Dès la première ligne, il est là, à côté de nous, en train de raconter son histoire, ou plutôt de gueuler son histoire. Cela semble simple comme ça, mais détrompez-vous. Il est difficile de ne tomber ni dans la démagogie, ni dans la vulgarité. Donc, on entend Depardieu. Il évoque le Dédé (son père), la Lilette (sa mère), la grand-mère, dame-pipi à Orly, une enfance où, s’il ne manque pas d’amour, il n’y a en revanche aucun repère, aucun cadre, une liberté vertigineuse et beaucoup de temps pour faire toutes les bêtises possible. Il connaît d’ailleurs beuacoup mieux les gendarmes que l’instituteur. Enfant, il a tout fait: trafic divers et variés, vols, prostitution. Il faut vivre, ou plutôt survivre. Et puis plus tard, tout arrivera très vite. Des bonnes rencontres, des gens généreux, des amis indéfectibles, des metteurs en scène qui ont du flair, une femme sans préjugé, Elisabeth. A moins de vingt-cinq ans, Depardieu est marié avec deux enfants, s’est lié avec Marguerite Duras et a tourné « Les Valseuses ». Sans transition, il est passé de la grande pauvreté à la grande notoriété. L’acteur parle de son métier, de ses enfants, de ses erreurs, surtout de sa relation compliquée avec Guillaume. Il s’explique sur ses débordements et son amitié avec Poutine.
Ce qui ressort de ce récit guidé par la sincérité, c’est une incroyable force de vie. Il aurait dû mourir dix fois, s’effondrer encore plus souvent, faire une dépression, des cures de sommeil. Mais il déborde de vie, sa liberté et son appétit sont communicatifs. Le comédien a toujours cru en lui et en sa bonne étoile. Surtout, il n’a jamais eu peur de perdre, que ce soit l’argent ou l’amour. « Moi, je ne rêve pas d’être acteur, c’est ça qu’ils n’ont pas compris les mecs. Moi, je rêve de survivre. J’ai fait acteur pour sortir de l’analphabétisme, j’aurais aussi bien pu faire autre chose, ça m’est tombé dessus par hasard, j’ai rien choisi. »