l e c r i t i q u e i n v i t é Bernard Lehut (RTL) a aimé « Voici le titre certainement le plus trompeur de la rentrée, car cette « Chanson douce » n’a rien d’une jolie berceuse. Le personnage de Louise est une nounou, apparemment idéale, mais qui finit par tuer les deux enfants dont elle s’occupe. Cette scène d’ouverture est forte, osée, maîtrisée, d’une écriture tranchante et froide comme la lame d’un couteau. Puis nous remontons le fil du temps et nous allons découvrir pourquoi et comment Louise en est arrivée là. Le pari de nous annoncer d’emblée comme ça allait se terminer était plutôt risqué. Mais c’est au fond très malin, car on s’étonne de l’aveuglement des parents et nous sommes d’autant plus attentifs à toute une série de signes nous montrant que cette nounou n’est pas si parfaite que cela. Leïla Slimani qui s’est inspirée d’un fait divers survenu aux Etats-Unis en 2012, maîtrise parfaitement son affaire d’un point de vue narratif. Il y a plusieurs niveaux : l’aspect thriller, mais aussi une profondeur psychologique, sociale et contemporaine. Elle explore la famille, creuse toutes les ambiguïtés de cette relation parents-nourrice, car ces parents finalement, confient ce qu’ils ont de plus précieux à une inconnue. Très vite, entre la mère et la nounou se mêlent la confiance, la rivalité et la jalousie. On est dans l’affectif permanent. La nounou devient presque une amie de la famille et pourtant elle reste une employée. Ces deux sentiments se confondent de manière troublante, avec beaucoup de toxicité. C’est aussi un livre sur les femmes d’aujourd’hui confrontées à cette double injonction : bien élever ses enfants et réussir sa vie professionnelle. Enfin, ce roman parle de lutte des classes, du rapport dominant-dominé. L’illusion de faire partie d’une famille, mais ce n’est qu’une illusion justement, et l’humiliation qu’elle en ressent, sont le ferment du geste terrible de Louise. L’air de rien, avec une histoire apparemment assez simple, Leïla Slimani signe un récit plein de richesse et de profondeur. » Propos recueillis par Pascale Frey |
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