Gérard Guégan
Gallimard
blanche
mars 2017
240 p.  18 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 

l  e   c  r  i  t  i  q  u  e   i  n  v  i  t  é   

Bruno Corty  (Le Figaro)  a aimé
« Hemingway, Hammett, dernière » de Gérard Guégan, (Gallimard)  

« Tout est vrai dans cette histoire, ou presque. Ce dialogue étonnant entre les écrivains américains Ernest Hemingway et Dashiell Hammett n’est pas une uchronie. Ces deux-là se connaissaient, même s’il est difficile de trouver des traces de leurs rencontres dans les différentes grandes biographies existantes. C’est dans ce vide que Guégan construit sa fiction. Hemigway et Hammett avaient des points communs. Ils étaient entrés en littérature au même moment, en 1929, l’un publiant « L’Adieu aux armes », l’autre, « La Moisson rouge ».

C’étaient deux grands séducteurs. Et donc, deux rivaux. Pas impossible que l’idée de piquer la maîtresse du copain ait fait plus qu’effleurer l’un des deux à un moment donné.

Tous les deux se trouvaient, depuis leurs prises de positions antifascistes pendant la guerre d’Espagne, dans le collimateur du FBI et de son grand manitou, J.Edgar Hoover. Depuis l’ouverture du dossier Hemingway au début des années 1980, on sait que l’écrivain n’était pas victime de crises de paranoïa. Il avait bien les hommes du FBI aux trousses, partout où il allait.

Au rayon des différences, on peut évoquer la constitution physique. Papa a écumé les champs de bataille en battle-dress, alors que Dash restait aux États-Unis à la demande pressante du « Parti ». Comme le dit l’une des femmes de Hemingway dans le livre de Guégan : « Il n’a jamais vraiment pris de risques, ton coco, il n’a pas connu dans son Alaska les canonnades, les bombes incendiaires, les charges à la baïonnette »…

Papa était costaud, hâbleur, bagarreur. Hammett le jugeait vantard, braillard. Mais quoi : le père du roman noir avait publié cinq romans entre 1929 et 1934, puis plus rien sinon quelques nouvelles.  Hemingway, lui, n’avait rien lâché, remportant en 1953 le prix Pulitzer avec  « Le Vieil Homme et la Mer » et, l’année suivante, le prix Nobel. Deux mondes les séparaient. Pourquoi, dès lors, Hemingway aurait-il voulu rencontrer Hammett ? Pour lui casser la figure ? Pour lui demander pardon ?

Guégan montre qu’il est trop tard pour remonter sur le ring. Les deux coqs sont déplumés. Hammett est insomniaque, Hemingway a le corps en morceaux. Mais cela n’est pas grave : ce qui intéresse l’auteur de « Fontenoy ne reviendra plus », c’est le crépuscule des géants. On l’a vu ces dernières années rejouer la décrépitude d’Aragon (« Qui dira la souffrance d’Aragon ? ») et les derniers instants de Drieu (« Tout à une fin, Drieu »).

Comme deux sales gosses, ses héros s’envoient à la tête leurs vieilles querelles et quelques insultes frelatées. Mais le cœur n’y est plus vraiment. « Je ne suis pas triste, je suis juste un vieil homme qui se souvient de sa jeunesse. Pour tout dire, je suis un regret, pas une promesse, voilà tout… » dit Hemingway. Guégan mène la danse avec élégance. Ses dialogues font mouche. À la fin, une jeune et jolie Noire au volant d’un taxi emporte le vieil homme amer. Encore quelques mois et, le 2 juillet 1961, il mettra fin à la comédie. Hammett, lui, aura pris la tangente six mois plus tôt.


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