l e c r i t i q u e i n v i t é Christophe Ono-dit-Biot (Le Point, France Culture, LCI-TF1) a aimé « « L’enfance est notre seule patrie. » Elle dit tout, cette phrase, inscrite en lettres de feu page 271, de la beauté et de l’ampleur du projet dans lequel s’est lancé Santiago Amigorena avec « Les Premières fois » : restituer, avec la puissance des seuls mots, toute une jeunesse perdue. Depuis 1998, cet écrivain reconnu mais pas encore assez porté aux nues, né à Buenos Aires en 1962, s’est lancé dans une vaste entreprise autobiographique tout en prévenant : « le but de mes confessions n’a jamais été et ne sera jamais de vous faire croire que ce que je raconte a été réel. Lorsqu’on écrit, on doit être fidèle à la littérature, pas au passé. » Bien dit : car de quoi au juste se souvient-on ? Est-ce qu’on ne recrée pas dès lors qu’on les raconte, les choses qu’on a vécues ? Dans ses livres antérieurs, Amigorena avait déjà couché une grande partie de sa vie sur le papier mais il avait laissé de côté ses « premières fois ». Les voici enfin : premiers élans du corps et du cœur, premiers émois artistiques, premières fêtes, premiers voyages en Europe, aussi, pour ce jeune homme arrivé d’Argentine dans le sillage de parents exilés. Amsterdam, Prague, Pilsen, et Patmos, où la famille a sa thébaïde. D’où vient que cela nous concerne, mieux, nous touche et nous enthousiasme ? La langue, d’abord, précise, sincère, palpitante de sensations visuelles, tactiles, de parfums et de sons, et qui semble portée par une sorte de grâce ensorcelante. Le portrait de ce tout jeune homme des années 70, ensuite, humant comme un jeune fauve l’air incandescent d’une époque encore révolutionnaire, et cherchant, guidé par l’ombre de son frère aîné, la fille avec laquelle il pourra enfin « faire l’amour ». L’autodérision dont il fait preuve, considérant le « têtard » qu’il était du haut de son statut de « vieux crapaud graphomane », et enfin les réflexions sur la littérature et la vérité, dont il ponctue ses lignes, entremêlées de poèmes et autres textes de jeunesse dont il avait gardé la trace et à laquelle s’enlace sa prose d’aujourd’hui. « Les premières fois » ? 600 pages qui ne doivent pas effrayer parce qu’elles sont solaires. C’est bien simple : on ouvre un livre, on rencontre un ami.« |
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