l a c r i t i q u e i n v i t é e Clémentine Goldszal (Les Inrockuptibles, Vanity Fair) a aimé « Daniel Arsand est un écrivain d’une sensibilité exceptionnelle, qui a publié en 2013 un livre entier en souvenir de Que Tal, son chat adoré. C’est donc armé de toute sa douceur qu’il s’attelle au sujet terrible de son dernier roman. Ce sujet –la déportation par les nazis des homosexuels pendant la seconde guerre mondiale-, il l’aborde frontalement. La première scène est poignante : en novembre 1945, Klaus Hirschkuh passe le pas de l’appartement familial à Leipzig. Maigre à faire peur, il revient de l’enfer : « triangle rose », il a passé quatre ans à Birkenau, a subi les pires sévices, ne tolère plus d’entendre le mot « soupe », aura toute sa vie peur des chiens, et ne surmontera jamais sa terreur des règles en fer. Et pourtant, il faut bien vivre. Remplumer ce corps, le laver, l’habiller. Retrouver cette famille qui ne l’a jamais accepté, retrouver cette ville dépeuplée, où il vécut jadis de si beaux instants avec l’amour de sa vie, mort depuis. Pour échapper aux fantômes et à l’incompréhension, Klaus prend le train pour la France avec un ami lui aussi rescapé. « Je suis en vie et tu ne m’entends pas » est le récit de sa vie « après ». Après l’horreur, après l’effroi et la haine, chaque pas l’éloigne de la tragédie et l’y ramène, et il faut toute l’intense beauté de la langue de Daniel Arsand pour capturer l’ambivalence des sensations, le trouble des sentiments, la confusion perpétuelle du survivant. « Il avait été interné, déporté, haï, massacré et il était là », écrit-il. À quel prix ? Pour quel combat ? Ce roman est une arme contre l’oubli, pour la reconnaissance de ces autres victimes de l’holocauste, pour que leur mémoire vive. Avec la puissance des tendres, Arsand frappe fort et juste, et signe un roman intime et combattant. Propos recueillis par Pascale Frey |
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