l a c r i t i q u e i n v i t é e Claire Devarrieux (Libération) a choisi « Je pense souvent à « Paris-Austerlitz » depuis que je l’ai lu. Et je sais que je le relirai, comme il m’arrive, de temps à autre, de me reporter à « La Stratégie du boomerang », le petit texte fondamental de Rafael Chirbes (mort en 2015) qu’Alma a publié en 2011. « Paris-Austerlitz » raconte une histoire d’amour avec une lucidité remarquable. Plusieurs époques se superposent. Le narrateur se souvient de sa jeunesse, quand il est venu la première fois à Paris, fuyant l’Espagne et sa famille, aussi étouffantes l’une que l’autre. Il a été accueilli, entretenu et adoré par un ouvrier, de vingt ans plus âgé. Il se souvient du désir, des mots crus, du langage du sexe, puis du désamour, et cherche à déceler le moment fatal où il a commencé à refuser ce que son compagnon lui proposait, «vieillir ensemble en barbotant dans le petit bassin des habitudes». Enfin, il se souvient de son amant mourant du sida, alors qu’ils ne vivaient plus ensemble. Rafael Chirbes n’épargne personne, et surtout pas le narrateur, un peintre, qui met au jour ses préjugés de classe: «A l’époque, on ne m’aurait pas ôté de la tête l’idée que dans le fond, la maladie était l’expression d’un manque d’ambition, et même d’une absence d’orgueil.» A travers le récit de l’artiste, un portrait se dessine, celui de la France ouvrière des années 60, issue de la campagne, affreusement mal logée mais confiante dans ses forces et dans l’avenir, très marquée par la guerre encore proche. J’ai rarement lu un texte où l’intime et le social soit aussi subtilement, et tragiquement, mêlés. » Lire les choix d’autres critiques invités
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