illustration de Brigitte Lannaud Levy
« Le goût de la lecture et de la conversation ». Quelle jolie déclaration d’intention que celle de cette librairie de Montpellier. Mais on peut aussi s’y retrouver au calme avec « des coins silence » dotés de confortables fauteuils pour se plonger dans la poésie par exemple. Vous l’aurez compris, voilà un lieu qui cultive sa singularité. Ce qui est confirmé par notre rencontre avec Aline Huille, cette ancienne libraire parisienne au caractère bien trempé. Elle a créé « Le Grain des mots » en 2009 et a emprunté pour son nom le beau titre du roman de Camille Laurens. À leur installation sur ce boulevard, on leur avait promis à l’époque une rénovation du quartier avec un tramway à la clef. Sept ans plus tard, rien n’a été fait et la librairie est un peu comme en bordure de périphérique. Mais peu importe dans le fond, son attractivité est telle, que les clients se déplacent pour être conseillés au mieux, faire des rencontres, assister aux lectures. Ou tout simplement passer un moment tranquille dans ce bel espace de 200 mètres carrés, dédié à tous les genres de livres pourvu qu’ils soient bons. Car pour Aline Huille, ce qu’il y a de plus important dans son métier, c’est « choisir avant tout ce que l’on aime ». Alors voici ses conseils de lecture avisés.
Quel est votre dernier gros coup de cœur en littérature française ?
« Le grand marin » de Catherine Poulain (L’Olivier). Un livre qui m’a littéralement scotchée. Une femme impressionnante de courage qui est partie dix ans en Alaska pêcher sur un bateau en pleine mer. Dans cet univers d’hommes, elle a vécu des choses très dures qu’elle nous raconte. On est pris dans les filets de son histoire, avec des pages absolument magnifiques.
Et du côté des étrangers ?
Elena Ferrante « Le nouveau nom ». c’est la suite du très beau roman « L’amie prodigieuse ». On retrouve dans les années 60 à Naples dans les quartiers populaires, les deux jeunes amies Lila et Elena devenues femmes. On les accompagne sur leurs chemins séparés, au fil d’une écriture superbe et sensible. J’ai adoré, tout simplement.
Y –a-t- il un premier roman qui vous a particulièrement plu?
« Après le silence » de Didier Castino (Liana Levi). Il a reçu le prix du premier roman et on est très content pour lui, c’est bien mérité. Il y a dans ce texte une part autobiographique sur son histoire familiale en milieu ouvrier dans les années 60. Un très beau roman sur la transmission.
La saison des prix n’est pas très loin derrière nous. À qui auriez-vous donné le Goncourt ?
J’adore Mathias Enard et suis très heureuse pour lui, même si son roman « Boussole » n’est pas très grand public. Et puis je vous avoue que les prix ne m’intéressent pas beaucoup. On est content quand ça tombe sur un livre qu’on aime. Ce qui compte pour nous c’est la table sur laquelle nous réunissons nos coups de cœur tout au long de l’année.
Quel est le livre que vous défendez avec ferveur et qui est le plus emblématique de votre librairie ?
Pas facile de répondre à cette question. J’ai envie de vous dire tout Pierre Michon, tout Christian Bobin. Mais un livre que je conseille beaucoup quand j’entends « je ne trouve rien, je ne sais pas quoi lire » c’est « Luz ou les temps sauvages » de Elsa Osorio (Métaillié). Un roman sur une enfance volée sous la dictature argentine. Un livre qui offre beaucoup d’émotions, qui redonne le goût de lire et peut plaire au plus grand nombre.
Une brève de librairie.
Je n’en ai pas une en particulier. Mais plein, avec les auteurs surtout que nous rencontrons, dont certains qui sont devenus des amis. Brigitte Giraud par exemple dont je suis très proche. Quand on a reçu Leonardo Padura, quelle joie. Bref, plein de bons moments…
Propose recueuillis par Brigitte Lannaud Levy
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Librairie Le grain des mots.
13 boulevard du Jeu de Paume
34000 Montpellier
04 67 60 82 38