illustration Brigitte Lannaud Levy
Un papillon, ce n’est pas seulement qu’un insecte aux grandes ailes colorées, mais c’est aussi un petit papier sur lequel on peut écrire. Avant les livres, Marie-Hélène et Frédéric Engel ont exprimé leur passion pour le papier par la création en 2006 d’une maison d’édition de cartes postales qui, comme ils le racontent joliment, ont pour vocation de voler vers leurs destinataires tels des papillons. Et voilà le nom de leur enseigne tout trouvé. Et puis en 2014, dans l’idée d’offrir une vitrine à leur activité, ils ouvrent une boutique à Phalsbourg. C’est tout naturellement que les livres y ont pris leur place, de plus en plus grande au fil du temps. Fort de son expérience de libraire chez Kleber pendant dix ans Marie-Hélène a trouvé le lieu idéal pour exprimer avec son époux tous leurs talents. Ainsi, la petite ville de Phalsbourg qui n’avait plus de librairie se trouve dotée d’une fort belle enseigne où la littérature est reine. Et pas seulement. C’est dans le bar à vin voisin, le Vinario, qu’ont lieu les rencontres avec les auteurs. Juste à côté, il y a un ancien cinéma qui est resté dans son jus depuis les années 50 et ils y organisent des projections de films ou documentaires en lien avec les ouvrages présentés. La culture au sens large leur tient à cœur, mais ce n’est pas pour autant qu’ils se prennent au sérieux et c’est avec beaucoup de chaleur et d’allégresse qu’ils exercent leur métier. C’est Marie-Hélène qui nous reçoit aujourd’hui pour partager leurs derniers coups de cœur.
Quel roman nous recommandez-vous de lire ?
Trop difficile de n’en choisir qu’un. Alors on va abuser et en retenir trois. Tout d’abord « La nuit des béguines » d’Aline Kiner (Liana Levi). Cette dernière nous fait partager sous forme romanesque un moment passionnant de l’histoire des femmes au Moyen-Age. Les Béguines constituaient alors une communauté de femmes sous Philippe le Bel qui échappaient ainsi au mariage ou au couvent. Le deuxième roman qui nous tient particulièrement à cœur c’est « L’enfant mouche » de Philippe Pollet-Villard (Flammarion), inspiré par l’histoire de sa mère orpheline en 44. Elle affronte alors la cruauté des hommes et y fait face avec l’innocence de son jeune âge, mais sans naïveté aucune. Une narration qui rebondit sans cesse. Un texte qui vous emporte littéralement. Pour finir, « L’ordre du Jour » d’Éric Vuillard (Actes sud). On l’aime et le défend depuis sa publication au printemps dernier. Nous sommes plus que contents qu’il ait reçu le prix Goncourt.
Et du côté des auteurs étrangers que nous conseillez –vous ?
« La salle de bal » de Anna Hope (Gallimard). C’est le portrait d’Ella au début du 20e siècle dans le Yorkshire, qui se retrouve internée dans un asile pour une raison minime. Chaque semaine, un bal est organisé où les pensionnaires, hommes et femmes, se retrouvent. Ella y rencontre John un Irlandais mélancolique. À la tête de l’orchestre, un médecin observe les patients et souhaite diriger un programme eugéniste de contrôle des esprits faibles pour améliorer la condition humaine. Un roman historique sensible qui pose une réflexion sur les questions liées au transhumanisme . C’est un roman subtil et profond.
Quel premier roman a retenu votre attention ?
« Encore vivant » de Pierre Souchon sur la bipolarité ( Rouergue). En tant que maniaco-dépressif, c’est à travers son expérience personnelle que l’auteur restitue de l’intérieur la souffrance pour ceux qui vivent cette maladie psychique et son impact sur les proches. Ce récit magnifique est porté par une écriture superbe.
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
« Les chiffonniers de Paris » de Antoine Compagnon (La Fabrique). J’aime me laisser surprendre et je suis certaine que ce brillant auteur, spécialiste de Proust, offre ici un essai éblouissant sur ces êtres en marge que sont les collecteurs d’immondices et de papiers dans le Paris du 19e siècle. Du savoir, mais avec de la saveur.
Quel est le livre-culte que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
Ce n’est pas un livre, mais une œuvre, celle de Balzac qui me suit depuis longtemps. Je l’ai découvert au lycée avec « le père Goriot » et depuis j’aime tout de lui. Mais comme il faut n’en citer qu’un, je choisis « Le colonel Chabert ». Il y a tant d’humanité dans ce roman, tant de choses à y apprendre. C’est un ouvrage essentiel.
Quel beau livre nous conseillez-vous pour dépenser nos étrennes ?
« Habiter la planète. Atlas mondial de l’architecture traditionnelle et vernaculaire » de Sandra Piesik (Flammarion) Comment à travers la planète et en fonction des conditions climatiques, les gens ont réussi à créer leurs lieux de vie. Fascinant et très beau.
Une brève de librairie :
Un jour, une amie de lycée avec qui je partageais ma passion pour les livres et que j’avais perdue de vue m’appelle. Je lui raconte que l’on venait d’ouvrir une librairie et elle me répond que de son côté, elle sortait un roman. Et là elle s’exclame : « Tu te rends compte tout ce dont on rêvait est advenu ». C’est vrai qu’il faut toujours garder en tête que même les géants ont été des enfants. On ne s’était pas vues depuis trente ans et on a organisé une jolie rencontre à « L’arbre à Papillons » autour de son livre qui nous a donné l’impulsion pour en faire plein d’autres par la suite.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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20 place d’Armes
57370 Phalsbourg
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