illustration Brigitte Lannaud Levy
Ancienne solderie de livres et salon de thé, « La Dame Blanche » vient tout juste d’être reprise en juillet dernier par Dominique Guillopé qui l’a transformée en librairie généraliste, tout en élargissant l’activité de restauration sucrée à une carte salée.
Après dix ans dans le secteur de la programmation de spectacles, elle a souhaité se reconvertir dans le métier de libraire. Suite à une année de formation, elle s’est installée dans le Morbihan à Port-Louis, séduite par cette vieille bâtisse du 17e avec sa grande cheminée en pierre et son jardin clos orienté plein sud. Un charme inouï au cœur de la ville, à seulement deux pas de la plage. Pour sa première rentrée littéraire, c’est avec beaucoup de chaleur qu’elle nous fait part des livres qui l’ont enthousiasmée.
En littérature française quel est le roman qui a particulièrement retenu votre attention ?
J’ai beaucoup aimé « Il était une ville » de Thomas Reverdy (Flammarion). L’arrière-plan social sur l’effondrement d’une économie et la destruction de la ville de Détroit est tout simplement passionnant. Et j’ai trouvé que l’écriture était belle, très cinématographique.
Du côté littérature étrangère, quel est le roman qui vous a le plus séduite ?
Sans hésiter « Blasmusikpop » de Véra Kaiser (Presse de la Cité). C’est le premier roman d’une jeune femme autrichienne qui a un talent fou. Je suis germaniste de formation et la littérature de langue allemande est rarement mise au premier plan contrairement à celle des pays latins. Cette fable contemporaine sur un village qui refuse la modernité est aussi déjantée que son style est époustouflant.
Et en premier roman français ?
J’ai trouvé que le premier texte de Marion Guillot « Changer d’air » (Minuit) était d’une grande maturité, elle n’a que 29 ans. Elle a des attaches à Port-Louis et je compte bien organiser une rencontre avec elle à la librairie sous peu.
Quel est le livre qui vous tient depuis toujours à cœur et que vous défendez avec ferveur ?
Il y en a plusieurs qui me viennent à l’esprit comme par exemple « le sourire étrusque » ou « Le baron perché ». Mais vraiment celui que j’aime le plus, qui pour moi est un roman culte, c’est « Le jour des corneilles » (Libretto) de l’auteur québécois Jean-François Beauchemin. C’est un ovni littéraire total, l’histoire d’un enfant sauvage et de son père halluciné vivant tous deux au cœur d’une forêt. Un livre très imagé. On ne plus le lâcher, on ne peut que l’aimer.
Quel a été selon vous le grand livre de l’été 2015 ?
C’est le tome 2 de la BD autobiographique de Riad Sattouf « L’Arabe du futur » (Allary Editions). À peine posé sur les tables, il est acheté. Ce roman graphique parle vraiment à toutes les générations, c’est un énorme succès.
Une brève de librairie :
Comme je viens tout juste d’ouvrir, je n’en ai pas encore beaucoup. Mais il y en a tout de même deux, assez amusantes. Quand «La dame blanche» était une solderie, vous imaginez toutes les piles de livres d’occasion qui s’accumulaient. J’ai tout réorganisé pour proposer une offre sélective de livres neufs, bien rangés, bien mis en valeur. Et là certains clients désorientés n’ayant pas saisi le changement, de me dire « Mais y a plus de livres ! ».
La deuxième, c’est que le nom de la librairie trouvé par mes prédécesseurs est un hommage à Emily Dickinson et à l’ouvrage du même nom que Christian Bobin lui a consacré dans la collection « L’un et l’autre» chez Gallimard. Mais pour beaucoup, c’est aussi celui d’une auto-stoppeuse fantôme que l’on peut croiser sur les routes. Un jour de marché, une femme m’a apporté de l’encens en m’expliquant qu’il y avait entre les pierres de la librairie une âme tourmentée prisonnière et qu’il fallait à tout prix purifier les lieux. Cette réaction est sans doute liée à ce nom et n’oublions pas surtout que nous sommes dans un pays de légendes.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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