illustration Brigitte Lannaud Levy
« Librairie curieuse ». Voilà ce que l’on peut lire sur la façade de cette librairie généraliste de Nevers. La curiosité comme indispensable qualité, propice à toutes les découvertes. C’est nourri de cet esprit d’ouverture aux autres que William Séjeau décide, en 2008, d’effectuer une profonde reconversion professionnelle en reprenant cette librairie créée il y a vingt ans. Il est secondé dans sa tâche par Angélique Benoit. En 2012, il étend son savoir-faire en prenant les rênes de la librairie voisine « Gens de la lune » spécialisée en jeunesse et BD. Comme sa soif de découvertes et de rencontres est intense, il aime sortir des murs de ses librairies et proposer des livres lors d’événements culturels de la région. À noter aussi, car c’est de plus en plus rare, « Le Cyprès possède » un rayon disques assez important. C’est vrai que musique et littérature vont si bien ensemble.
Quel roman de cette rentrée nous conseillez-vous de lire ?
J’ai été très impressionné par « L’avancée de la nuit » de Jakuta Alikavazovic (L’Olivier). Avec en arrière-plan la guerre en Bosnie, l’histoire de l’amour d’un jeune étudiant, gardien d’hôtel pour une femme mystérieuse occupante d’une des chambres. La puissance et l’intensité de l’écriture contiennent une matière à penser et réfléchir. Un livre coup-de-poing, époustouflant .
Et du côté de la littérature étrangère ?
« By the rivers of Babylon » de Kei Miller (Zulma) Dans un quartier pauvre de Kingstone en Jamaïque, on pressent dès le début de ce roman qu’un drame va se produire. Un jeune rasta s’est fait couper les dreadlocks à l’école, ce qui provoque un enchaînement d’évènements dramatiques menant à la catastrophe. Un roman porté par une langue poétique qui vous prend aux tripes.
Y –a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
« Le ciel renversé » de Christophe Pagnon (L’insomniaque). Un court texte d’une trentaine de pages qui fait fortement penser à « Dead Man » de Jim Jarmusch. C’est un road trip halluciné sur un homme qui recherche ses origines. L’ambiance de cette errance tragique est extraordinaire.
Quel est le livre le plus emblématique de la librairie, que vous défendez avec ferveur ?
« Dans les veines ce fleuve d’argent » de Dario Franceschini (Folio). C’est la première fois qu’un représentant me dit: « lis ça c’est génial ». Et effectivement ça l’est. Je l’ai beaucoup conseillé et il plaît énormément. Un homme sent la mort qui approche et sur les rives du Pô revient à la source de ses souvenirs, espérant retrouver un ancien camarade de classe. Ce superbe roman au réalisme magique est très inventif sur le plan des situations. Dix ans que je le propose avec joie.
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Il y en a plein comme vous pouvez l’imaginer. Mais je vous dirai tout Jorge Luis Borges. Ses Pléiades m’attendent !
Quel a été selon vous le grand livre de l’été ?
On a beaucoup vendu « L’amie prodigieuse » d’Elena Ferrante. Mais j’ai également beaucoup conseillé le dernier roman de Dario Franceschini « Ailleurs » (L’Arpenteur), l’histoire d’un père qui au seuil de la mort révèle à son fils le secret de sa vie. Un roman d’évasion et d’amour.
À qui donneriez-vous le prix Goncourt?
Sans hésiter à Sorj Chalandon pour « Le jour d’avant » (Grasset) car je trouve que c’est un auteur qui mériterait grandement d’être honoré enfin du Goncourt.
Une brève de librairie ?
Un client très assuré me demande un jour si j’ai « Un avion sans ailes » de Musseli. Je lui réponds: vous voulez dire « Un avion sans elle » de Michel Bussi. Je lui rapporte le livre et là sans en démordre, il me rétorque « Ah les salauds, ils ont changé son nom ». Un bon libraire doit toujours rester stoïque!
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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Librairie Le cyprès
17 rue du Pont Cizeau
58000 Nevers
03 86 57 50 36