illustration Brigitte Lannaud Levy
Dans le centre de la capitale Bretonne, dans la rue Saint-Georges qui part de la célèbre place du Parlement, on ne peut que remarquer cette somptueuse bâtisse du XVIe siècle à colombages rouges. On pousse la porte et l’on découvre un espace raffiné avec de belles bibliothèques de bois sombre. Dans le grand escalier, sur les murs rouges, on découvre des citations sur la lecture. Ces mots sont ceux de Simone de Beauvoir, Michel Houellebecq, Monstesquieu, James Joyce… Nul doute que l’on est dans une librairie qui a du goût. Un bon goût littéraire. Reprise en 2010 par Dominique Fredj et Valérie Hanich, cette librairie créée en 1925 a gardé le nom du précédent propriétaire : Jacques Le Failler. Ce couple de libraires passionnés est animé d’une volonté à faire vivre et rayonner leur librairie hors les murs. Ainsi sans relâche, Le Failler participe aux évènements universitaires, caritatifs ou culturels de la ville, comme au Théâtre national de Rennes avec un corner de livres ouvert lors des spectacles. La librairie organise ou participe à environ 400 évènements par an. Pas moins. C’est Véronique Marchand en charge du pôle littérature qui nous accueille pour nous faire part de ses coups de cœur.
Quel est le roman français de cette rentrée qui vous a le plus plu ?
« Les gens dans l’enveloppe » de Isabelle Monnin et Alex Beaupin (Éditions Lattes). Un livre tout en émotion où la fiction croise la réalité et où la littérature croise la chanson. Suite à l’achat d’un lot de 250 photos d’une famille anonyme sur internet, Isabelle Monnin a imaginé une histoire. Puis elle a enquêté sur ces gens pour confronter leur parcours à celui qu’elle leur a inventé. Enfin son meilleur ami, l’auteur-compositeur Alex Beaupin, a mis tout cela en paroles et en musique. Ce livre est riche. C’est à la fois un roman, une enquête, un album photo et un disque. Une merveille.
Et en littérature étrangère ?
« Hiver » de Christopher Nicholson (Quai Voltaire). L’auteur britannique nous raconte la 84e année de l’écrivain Thomas Hardy qui vit alors retiré dans sa campagne du Dorset et tombe amoureux de la fille de celle qui lui a inspiré le personnage de Tess d’Uberville. Ce roman truffé de références littéraires est aussi délicieux qu’une « cup of tea ». C’est une lecture raffinée comme de la pure porcelaine anglaise.
Quel est le premier roman qui a retenu plus particulièrement votre attention ?
C’est un livre que nous avons tous adoré à la librairie : « La logique de l’amanite » de Catherine Douteyssier-Khoze (Grasset). Nicodor, un vieil érudit acariâtre voue une haine sans borne à sa sœur jumelle. Il a deux passions : les livres et l’esthétique des champignons, plus particulièrement celle des amanites. Autour de lui les gens meurent. Cette comédie grinçante vire au roman noir et c’est irrésistible. Les envolées sur la littérature y sont savoureuses.
Quel est le roman que vous défendez depuis toujours avec ferveur et qui vous tient particulièrement à cœur ?
« Corps et âme » de Frank Conroy (Folio). L’histoire d’un enfant prodige délaissé par sa mère qui découvre des partitions ainsi qu’un petit piano désaccordé. Il va apprendre lui-même la musique et devenir un virtuose jusqu’à jouer à Carnagie Hall. Je ne connais pas de lecteur qui n’ait pas aimé ce roman. On ne se lasse pas de le relire. Cela ferait un très beau film.
Quel a été pour vous le livre de l’été 2015 ?
« Toute la lumière que nous ne pouvons voir » de Anthony Doerr. (Albin Michel). Nous sommes très fiers que ce roman, lauréat du prix Pulitzer, ait pris sa source et se déroule dans notre région, à Saint-Malo. C’est l’histoire croisée pendant la guerre 40, sous l’occupation, de deux ennemis malgré eux. Une jeune fille aveugle réfugiée avec son père dans la cité des corsaires et un tout jeune garçon, génie de la transmission radio qui travaille pour la Werhmacht. De par son souffle romanesque et son ancrage régional, ce livre est du pain béni pour nous.
Une brève de librairie :
Un jour, un jeune homme m’a demandé un livre de photos de Jésus… d’époque. Je lui ai répondu qu’à part le Saint-Suaire, je n’en connaissais pas.
Plus sérieusement, j’ai le souvenir d’une jeune fille qui voulait acheter une grosse quantité de livres de poche pour qu’une fois empilés, ils fassent une hauteur très précise d’un mètre soixante-deux. Ce n’était pas comme certains qui remplissent des bibliothèques au mètre pour ne jamais lire les livres qu’ils achètent. Ce mètre soixante deux correspondait exactement à la taille de son grand-père qu’elle souhaitait remercier, en lui offrant tous ces poches, de l’avoir aidée à grandir en lui ayant fait aimer la lecture quand elle était enfant.
Nota Bene : Avant de quitter la librairie, une des citations du grand escalier rouge à méditer : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé » Montesquieu.
Propos recueillis par Brigitte Lanaud Levy
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8-14 Rue Saint-Georges, 35000 Rennes
02 99 87 87 87