Librairie Obliques
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illustration Brigitte Lannaud Levy
Une majestueuse botte de sept lieues toute dorée, près de l’Hôtel de Ville d’Auxerre : vous ne pouvez pas la rater. C’est l’enseigne d’une vaste librairie qui se repère de loin par cette réalisation en fer forgé de type médiéval. C’était au 19e siècle l’emblème du propriétaire d’alors: un très chic chausseur auxérois : « À la botte d’or», véritable institution de la ville. La librairie Obliques créée en 1978 s’y est installée en juillet 2016. Et la façade classée du bottier est restée dans son jus. Obliques s’inspire et rend hommage à une revue littéraire des années 70 qui proposait des monographies d’auteurs vivants. Vous l’avez compris, ici on fait la part belle à la littérature et c’est Grégoire Courtois, qui a repris la librairie il y a cinq ans, qui nous reçoit pour nous faire part de ses coups de cœur.
Quel roman français vous a particulièrement plu en cette rentrée de janvier?
Une valeur toujours sûre : Christian Oster avec « La vie automatique » (L’Olivier). Un personnage principal, nébuleux, hors du temps voit sa maison prendre feu, la laisse aux flammes, s’en va puis tire un trait sur sa vie passée… Un texte sur le désenchantement qui dit beaucoup avec une forte économie de moyens. Du pur Oster comme on aime.
Du côté des étrangers que nous recommandez-vous?
Andrus Kivirähk avec « Le papillon » ( Le Tripode). On connaît cet auteur estonien pour son admirable et spectaculaire livre « L’homme qui savait la langue des serpents ». Celui qui vient de paraître est en fait son premier roman et risque de déstabiliser un peu par sa dimension fantastique et mélancolique mêlant faits réels et imaginaires. C’est l’histoire d’une compagnie de théâtre qui décide de jouer au cœur d’un pays en guerre pour dresser leur humanité face à la violence et la barbarie de cette tragédie. C’est aussi une superbe histoire d’amour.
Quel premier roman vous a particulièrement marqué ?
« Sanglier » de Dominique Rameau (José Corti). Une jeune femme débarque dans une maison à la campagne, dans le Morvan, et part à la découverte des habitants et de cette nature qu’elle ignore, qui l’intrigue et qui se révèle à elle. Les descriptions sont splendides et c’est de la belle orfèvrerie stylistique.
Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez depuis toujours avec ferveur?
« The city and the city » de l’auteur de SF China Miéville (Fleuve noir). Il s’agit d’un polar teinté de science-fiction. On peut le mettre entre toutes les mains et il pourrait être rangé dans plusieurs rayons tant il a de multiples dimensions. Il raconte un monde qui ressemble au nôtre, mais où une ville imaginaire Beszel est imbriquée dans une autre Ul Qoma. Toutes deux sont régies par des lois et règles très particulières. Une jeune étudiante est assassinée dans l’une d’elles et son corps est retrouvé dans l’autre. Une enquête est alors lancée. C’est une formidable métaphore sur la vie des ghettos urbains, roman hallucinatoire, au style remarquable.
Une brève de librairie
Je suis invité régulier de l’émission de radio « La librairie francophone », et trois ou quatre fois des auteurs m’ont informé qu’ils étaient venus chez Obliques, sans pourtant s’être présentés à nous. On ne mesure pas le nombre d’écrivains qui viennent en librairie très discrètement, anonymement, en tant que simples lecteurs. Et les rôles sont alors inversés. Habituellement on dépend de leur travail pour faire le nôtre et là ce sont eux qui attendent de nous d’éventuels bons conseils.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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Librairie Obliques
2 place de l’Hôtel de Ville
89000 Auxerre
Tel: 03 86 51 39 29